Parmi les bonnes habitudes à enseigner aux enfants, Charlotte Mason propose celles de “se souvenir et de se rappeler“.

La mémoire est le réservoir de toutes les connaissances que nous possédons ; et c’est sur le fait des réserves logées dans la mémoire que nous nous classons comme êtres intelligents.

Charlotte Mason, vol. 1, p. 154

Se souvenir et se rappeler sont deux façons de stocker des informations dans la mémoire. Le souvenir est au fondement des choses que nous savons et de nos opinions. Charlotte Mason dit que “c’est notre capital absorbé, dont nous jouissons de l’intérêt bien que nous ne puissions pas le réaliser.”

Nous rappeler est la capacité que nous avons à utiliser cette mémoire sur demande. Pour ce faire, il est nécessaire de s’entraîner et muscler les parties du cerveau qui agissent sur cette habileté. De quelles façons ? En entrainant sa force de visualisation et en accordant une attention absolue afin que cette chose soit mémorisée.

Visualiser est, par exemple, ce que les enfants font quand ils réalisent une étude d’œuvre d’art. Ils observent attentivement un tableau, puis en fermant les yeux, conservent les éléments dans leur tête, jusqu’au moindre petit détail. Nous apprenons alors à voir pour conserver.

Dans le même esprit que l’étude d’œuvre d’art, Charlotte Mason parle d’un petit jeu que nous pouvons faire avec nos enfants. Il s’agit de peindre dans sa tête une œuvre, oui, mais de la nature cette fois.

Ce qui est extrêmement savoureux c’est cette faculté de prendre des photographies mentales, des images exactes des beautés de la nature, qui nous mène au monde par un simple souvenir…

Charlotte Mason, Vol. 1, p. 48

« Peindre une image dans sa tête » : la méthode

Etant donné que dans son livre, Charlotte Mason explique très bien sa méthode, plutôt que de la paraphraser, je vais réécrire l’extrait :

“Demandez aux enfants de bien regarder un bout de paysage, puis de fermer les yeux et de faire venir l’image devant leurs paupières, si une partie est floue, ils feraient mieux de regarder à nouveau.

Lorsqu’ils ont une image parfaite devant leurs yeux, laissez-les dire ce qu’ils voient. Ainsi : « Je vois un étang ; il est peu profond de ce côté, mais profond de l’autre ; les arbres s’étendent au bord de l’eau de ce côté, et vous pouvez voir leurs feuilles vertes et leurs branches si nettement dans l’eau que vous avez l’impression qu’il y a un bois en dessous. Un coin de ciel bleu avec un nuage blanc et doux touche presque les arbres dans l’eau ; et quand vous regardez vers le haut, vous voyez ce même petit nuage, mais avec beaucoup de ciel au lieu d’un petit morceau, car il n’y a pas d’arbres là-haut. Il y a de jolis petits nénuphars autour du bord de l’étang, et deux ou trois de leurs grandes feuilles rondes sont relevées comme des voiles. Près de l’endroit où je me tiens, trois vaches sont venues boire, et une est allée loin dans l’eau, presque jusqu’au cou…”

Elle écrit également que cela vaut la peine d’exercer les enfants à voir “le large et le lointain” et pas seulement “le proche et le petit” ; bien que les deux soient importants, voir loin demande un plus grand effort.

Précisions sur la méthode

“Au début, les enfants voudront un peu d’aide dans l’art de voir. La mère dira : « Regardez le reflet des arbres ! Il pourrait y avoir un bois sous l’eau. À quoi vous font penser ces feuilles dressées ? » Et ainsi de suite, jusqu’à ce que les enfants aient remarqué les points saillants de la scène. Elle mémorisera elle-même deux ou trois scènes et les décrira les yeux fermés pour le plaisir des enfants ; et ils sont si imitateurs, et en même temps si sensibles, que toute touche gracieuse et fantaisiste qu’elle jette dans ses descriptions sera reproduite avec des variations dans les leurs.”

Pour commencer, vous pouvez dérouler une galerie d’images que vous avez vu : des images de montagnes, d’océans orageux, d’enfants jouant au ballon… Et dire que vous les avez peint ou pris en photo avec les yeux, et que c’est tableaux délicieux auxquels vous avez fait face dans votre vie sont toujours en vous. Que chaque fois que vous regardez quelque chose d’intéressant, vous le regardez jusqu’à ce que l’image soit imprimée dans votre esprit.

… puis elle l’emporte avec elle, faisant toujours sienne, un souvenir à voir au moment où elle le veut.

Charlotte Mason, Vol. 1, pp 49-50

Cette activité simple et joyeuse plait aux enfants car l’acte de regarder est aussi naturel qu’agréable. Toutefois, étant donné qu’il implique un certain effort d’attention pour se rappeler et décrire à haute voix, il ne devrait pas être réalisé à chaque sortie. Inconsciemment, l’enfant prendra petit à petit l’habitude de répéter ce jeu pour lui-même.

Et parce-que ces images sont réconfortantes et ressourçantes, elles permettent de prendre quelques vacances quand nous en avons besoin. Nous nous échappons et nous retrouvons face à la nature qui agit comme “un baume respiratoire”.