Bonjour à tous.tes ! J’espère que vous passez un bon été. Voilà un article que j’avais envie d’écrire depuis un long moment et pour lequel j’ai toujours attendu la vague d’inspiration qui me permettait d’écrire un peu sans réfléchir, en laissant les choses venir d’elles-même. Les personnes motivées qui aiment lire les blogs depuis le début auront probablement suivies mon cheminement progressif dans l’éducation de mes enfants. J’écris cet article pour expliquer les raisons qui m’ont poussé à « migrer » du Unschooling à la pédagogie Mason et il y a probablement beaucoup de raisons. Alors je vais tenter de les résumer ici.
Mes années « Unschoo »
Il y a huit ans, c’est le documentaire « Etre et devenir » de Clara Bellar qui a fait de l’instruction en famille une évidence pour moi. C’est donc par le Unschooling que j’ai commencé l’école à la maison. Cette philosophie éducative repose sur les intérêts de l’enfant. Le sujet de Clara Bellar est le suivant : nous apprenons toute notre vie, il n’y a pas de temps, pas de lieu pour apprendre. Si cela nous semble assez évident lorsque les enfants sont bébés – ils apprennent à se mouvoir, à parler et tant d’autres choses grâce à une force qui est en eux et grâce à l’imitation – cela l’est moins aux alentours de 4, 5, 6 ans, lorsque les enfants grandissent et qu’ils ont l’âge d’entrer en maternelle ou en école élémentaire. A partir de ce moment-là, la société pense que les enfants ne peuvent apprendre qu’à l’école, que l’école est gage de réussite aussi bien dans les résultats scolaires que dans les compétences sociales. Tout le monde ne jure que par l’école et on ne se pose même plus la question de la scolarisation, elle est dans l’ordre naturel des choses ; en fait, pour paraphraser Ivan Illitch dans Une société sans école, l’école est devenue une sorte de religion et ne pas s’y plier c’est un peu comme être un païen sous Charlemagne ou un chrétien sous Néron : une personne marginale, dérangeante, qui perturbe l’ordre de la société par son manque de soumission.
Si vous n’avez pas vu le documentaire de Clara Bellar, je vous le conseille car il est vraiment très important même si on n’adhère pas à la philosophie du unschooling dans son entièreté. Arriver à la pédagogie de Charlotte Mason demande à s’être déscolarisé, pour pouvoir ensuite embrasser pleinement ses principes et méthodes différentes de l’approche classique. Je pense que dans mon parcours d’éducatrice, ce passage avec les apprentissages autonomes, m’a permis d’opérer plusieurs changements très importants :
- travailler mon lâcher prise, une forme de laisser être et laisser agir essentiels (proche de ce que Charlotte Mason appelle « l’inactivité magistrale »), qui permet à l’enfant d’être acteur et de lui laisser de l’espace,
- avoir une confiance pleine et entière dans les capacités et le rythme d’apprentissage de l’enfant,
- le considérer comme une personne (ce qui est le premier principe de Charlotte Mason),
- me sentir en « révolte » envers les institutions et la façon d’apprendre des enfants dans notre système afin de proposer autre chose.
Nous avons pratiqué le unschooling pendant 3-4 ans avec des périodes de doutes et de stress intenses. A cette époque, l’instruction était obligatoire à partir de 6 ans ; j’avais donc pu profiter pleinement de la première année de déscolarisation sans inspection et, avec le recul, cela change tout. Cette première année était vraiment un magnifique saut dans cette vie différente, dans le fait de partager de nombreuses choses ensemble – les activités du quotidien, les sorties aux musées, au parc, en forêt… lire des livres, jouer librement pendant des heures jusque très tard le soir, se laisser la liberté de faire des tests (le unschooling prône le fait de suivre les intérêts de l’enfant et est plutôt pro-écran), de vivre un peu au jour le jour en suivant nos envies du quotidien, en dormant quand on en a envie, en voyant des copains, etc. Bref en vivant à fond des espèces de grandes, grandes, très grandes vacances 🙂
L’année d’après, nous avons vécu notre première inspection et la chaleureuse vie qu’on menait s’est heurtée à la froideur des institutions. Cela ne m’a pas arrêté pour autant car j’avais décidé de me battre pour ce choix même s’il m’apportait son lot de stress et d’ennuis. J’étais aussi épaulée par ces autres mamans qui avaient fait un choix similaire et avec qui nous pouvions échanger pour se donner des « astuces inspections ».
Je dois dire que ces années m’ont beaucoup épuisée. Bien sûr, cela était dû aux inspections principalement, avec le stress qu’elles me mettaient sur le dos. Mais une autre forme de questionnements qui n’avait rien à voir avec les inspections avaient émergé en moi depuis déjà le démarrage de cette vie sans école : j’attendais que les Grandes Passions de mon enfant se manifestent, j’attendais que ces passions motivent sa volonté à faire et produire des choses ; j’attendais qu’il se mette à dessiner, à jouer d’un instrument de musique, à se passionner pour les capitales du monde, à vouloir, à désirer faire des choses comme j’avais vu dans le reportage « Etre et devenir » ou comme les jolies contes que le Unschooling raconte. En fait, moi qui voulais surtout ne pas avoir d’attentes vis-à-vis de mon enfant, ai pris conscience que j’avais un tas d’attentes et que cette très grande liberté (sur les écrans, sur la nourriture, sur les horaires) devenait étouffante pour toutes les personnes dans le foyer.
Ces attentes avaient aussi un effet pervers : j’étais hyper intrusive dans les intérêts personnels de mes enfants. Pour justifier auprès de l’inspection que mon enfant faisait des maths, du français et tout un tas de trucs inscrits sur leur tableau du socle commun, je passais mon temps à prendre des photos et à valoriser chacune des petites compétences dans les jeux les plus innocents, que mon enfant ne voyait que comme des jeux, et dans lesquels moi je cherchais des apprentissages. La nuance est mince bien sûr, mais il n’y avait plus de jeu pour le jeu, je cherchais à valoriser les apprentissages dans le jeu et donc je me trouvais de plus en plus hypocrite envers moi-même et envers mon enfant. Probablement que sans les inspections, cela n’aurait pas atteint de tels travers, mais les inspections sont une réalité que l’on ne peut pas mettre sous le tapis en permanence. En fait elles jouaient leur rôle de rouleau compresseur et moi je faisais tout pour laisser de la place à mon enfant tout en surveillant ce qu’il faisait et en espérant intensément l’émergence de ces Grandes Passions qui donneraient du sens à cette vie de pleine liberté.
La découverte de Charlotte Mason
La découverte de la pédagogie Mason a été un grand bol d’air frais pour moi. Je me souviens encore de l’écoute du premier podcast d’Un festin d’idées. Je venais de rater notre première inspection de l’année de CE2, j’étais au fond du trou et il a été ma petite lumière dans le tunnel.
A ce moment-là, je me suis demandée : et si j’avais eu tout faux depuis le début ? Et si je n’avais pas compris ce qu’était qu’éduquer ? Bien sûr ce n’était pas vrai, mais ça m’a beaucoup bousculé. Je me suis beaucoup remise en question. Cet épisode d’Un festin d’idées a été très important à ce moment de ma vie : Épisode 1 – Pourquoi utiliser la pédagogie Charlotte Mason.
En fait, c’est à ce moment-là que j’ai réalisé que mon choix pour le unschooling avait été un choix fait en réaction à un système ; un système qui ne me convenait pas, duquel je voyais toutes les failles et les hypocrisies. Mais cela a entrainé une réaction émotive extrême.
Dans mon ebook sur la pédagogie Mason, j’écrivais cette introduction :
« Fermez les yeux, imaginez une société sans école. Une société où ni vous, ni vos enfants n’aient été scolarisés ; une société où l’hyper consommation n’existe pas non plus, peut-être même que vous avez un accès modéré à Internet, voire inexistant ; une société plus minimaliste ; une société sans multi-planning, sans course aux activités. Les industries éditant des cahiers d’exercices n’existent pas, il n’y a ni course à un programme, ni flopée de jeux dits pédagogiques… Votre vie est plus simple, plus sobre. Comment éduqueriez-vous vos enfants ?
« D’abord, indubitablement vous ne vous opposeriez pas à un système qui vous déplait en enlevant toute instruction formelle ; et à l’inverse vous ne vous appuieriez pas entièrement sur des programmes tout prêts avec des cahiers à remplir.
« Si vous étiez livré à vous même, vous vous appuieriez à l’évidence sur les livres que vous avez chez vous, vous en feriez la lecture à vos enfants, de bons classiques, vos meilleurs romans et puis vous demanderiez à vos enfants ce qu’ils ont pensé de ce livre, ce qu’ils en ont compris. En grandissant, vous aimeriez qu’ils puissent développer leurs compétences en lecture alors vous utiliseriez nécessairement ces livres que vous lisez pour leur enseigner cela, vous utiliseriez encore ces livres pour qu’ils apprennent à écrire, ils devraient recopier certains mots. Ils auraient le temps, pas d’éducation nationale, pas d’inspecteur, pas de programme.
« En grandissant, leurs réflexions commenceraient à s’étoffer et alors vous partiriez de cahiers aux pages blanches ou lignées pour qu’ils y rédigent leurs pensées. En calcul, matière logique et utile, ils vous aideraient pour le quotidien, il faudrait qu’ils sachent additionner, soustraire, multiplier, diviser… Alors vous leur proposeriez des exercices pour qu’ils s’entrainent.
« En géographie ou en histoire, vous utiliseriez certainement de bons romans pour découvrir le monde et les époques à travers les yeux d’explorateurs, d’êtres humains vivant à plusieurs kilomètres de vous ou plusieurs centaines d’années de vous. Vous auriez vraisemblablement des cartes que vous observeriez et un grand cahier pour vous souvenir de tout ce qui s’est passé à travers les siècles. Vous aimeriez écouter la musique, être ouvert aux arts et savoir utiliser vos mains pour fabriquer plein de choses.
« Vous seriez davantage connecté à la nature que vous auriez eu le temps d’observer. Ces observations vous seraient très utiles pour faire pousser vos fruits et vos légumes, pour avoir des plantes médicinales, savoir quelles plantes autour de chez vous sont comestibles ou non, vous aimeriez savoir quelle faune peuple votre région, et quel écosystème vit en harmonie avec vous. Vous auriez évidemment besoin de noter et dessiner tout cela dans des carnets afin que chacun puisse s’en souvenir, et tous vos enfants devraient y être sensibles afin de grandir en harmonie avec leur environnement.
« Vous voyez, vous avez là toute l’essence de la pédagogie Charlotte Mason. Un apprentissage naturel implique simplement la guidance de l’adulte. C’est ce que nous ferions probablement si nous ne faisions pas les choses en réaction à un système. Un apprentissage naturel expose les enfants et nous-même à une quantité de sujets et d’idées. Avec une éducation naturelle, nous ne sommes pas des savants nés – les showmen de l’univers comme disait Charlotte Mason – nous laissons les écrivains devenir nos professeurs, nous ne cherchons pas de multiples moyens tous censés être plus ludiques les uns que les autres pour faire intégrer des savoirs. Nous utilisons les objets du quotidien, nous écrivons nos propres livres sans texte à trous, nous observons et nous notons, nous apprenons ensemble et chaque enfant vivrait dans cette atmosphère depuis son berceau. »
Avoir une vision plus large sur l’éducation
Cette grande prise de conscience a été un tournant dans ma façon d’éduquer les enfants et dans ma vision éducative. J’ai compris que mon rôle était de leur permettre d’être à leur meilleur, de leur donner le plus de moyens possible pour s’épanouir dans la vie. J’ai beaucoup pensé à une discussion qu’on avait eu avec d’autres étudiants lorsque je suivais ma licence en sciences de l’éducation : un des chercheurs de l’université voulait, quand il était petit, devenir éboueur ; c’était sa passion et à 17 ans, il voulait toujours en faire son métier. Mais ses parents insistèrent pour qu’il poursuive ses études. Il devint chercheur en sociologie, donna des conférences, enseigna, forma d’autres enseignants et chercheurs et adora ce métier toute sa vie. Notre professeur nous avait demandé ce que nous en avions pensé. Les parents avaient-ils bien fait d’insister ou auraient-ils dû le laisser devenir éboueur ?
Je me souviens qu’à l’époque, j’avais ma vision « unschooling » de la vie. Et je m’étais dit que peu importait le métier qu’il faisait tant qu’il était heureux. Qu’éboueur ou universitaire, on s’en fichait, l’important c’était la volonté de la personne. Mais, avec mes lunettes « Charlotte Mason », d’autres réflexions ont émergé en moi : et si on prenait en compte la pénibilité d’un métier, la stimulation intellectuelle ou créative qu’un métier peut procurer, la rémunération aussi ou le statut social. Oui, assumons tout ça, et avouons ce que nous voulons pour nos enfants. Il est naturel de vouloir le mieux pour eux, et le mieux n’est pas moins bien. Je ne dis pas là que nous devons pousser nos enfants à devenir médecin ou avocat et dénigrer les métiers plus manuels. Aucun métier ne définit notre valeur en tant qu’être humain. Je pousse seulement à la réflexion dans un monde où beaucoup de directions sont déjà tracées pour nos enfants en fonction du milieu dans lequel ils ont grandi. C’est ce qu’on appelle le déterminisme social et je pense vraiment que la pédagogie Mason permet d’en sortir.
Le « mieux » est probablement propre à chacun mais je pense que ça commence par ouvrir le champ des possibles à nos enfants et leur permettre d’exploiter leur plein potentiel, de leur permettre d’être curieux, d’aimer apprendre, d’être cultivé, de s’ouvrir aux apprentissages de toutes sortes. Et notre responsabilité c’est de leur faciliter le chemin car la nature humaine a tendance à aller au plus facile. Les gens persévérants, avec de grandes ambitions et se donnant les moyens d’y arriver ne courent pas les rues. Souvent les enfants qui sont comme ça ont des parents qui sont derrière eux, qui les soutiennent, qui s’obstinent à leur place, qui insistent pour que les enfants fassent preuve d’abnégation et de courage.
L’auto-éducation n’est pas le unschooling
Le meilleur moyen de viser l’auto-éducation n’est pas de laisser-faire l’enfant ce qu’il veut toute son enfance. Il consiste à cultiver le désir de connaissance et la curiosité. Charlotte Mason écrit que « L’auto-éducation est la seule éducation possible » et cela ne doit pas être confondu avec le unschooling. Toute la philosophie de Charlotte Mason oriente ses méthodes vers le fait de rendre l’enfant acteur de ses apprentissages.
« Donnez à un enfant une seule idée de valeur, et vous aurez fait plus pour son éducation que si vous aviez imposé à son esprit le fardeau d’une masse d’informations ; car l’enfant qui grandit avec quelques idées dominantes a son auto-éducation assurée et sa carrière toute tracée. » (Volume 1)
Voici comment la pédagogie rend l’auto-éducation possible :
- l’utilisation de livres vivants stimulants pour l’esprit. Les livres vivants sont souvent plus difficiles à lire, mais il est important que l’enfant comprenne que ces livres sont destinés à stimuler son esprit. Qu’il lise le livre, que vous le lisiez à haute voix ou qu’il écoute un livre audio, l’enfant est en contact direct avec des idées vivantes et doit se débattre avec un langage et des idées complexes. Cela sollicite véritablement les muscles de son cerveau et développe une pensée complexe.
- la responsabilité de ses apprentissages : en montrant à l’enfant qu’il est responsable d’arriver à l’heure, que ce soit à l’heure du début de vos apprentissages ou à différentes activités, il est responsable de sa propre éducation. Il est responsable de la qualité de son travail et de le réaliser dans les délais impartis. En pratique, cela se traduit par le fait qu’il s’occupe de ses livres et de son matériel.
- la narration : au cours de la narration, l’enfant apprend à communiquer sa pensée et à exprimer ses idées propres. Il montre ce qu’il sait en s’exprimant oralement et, lorsqu’il est plus grand, par écrit. « Tout ce qu’un enfant ou un adulte peut dire, nous pouvons être sûrs qu’il le sait, et ce qu’il ne peut pas dire, il ne le sait pas. » (Volume 6).
- « Je suis, je peux, je devrais, je ferai » est la devise de Charlotte Mason : elle est un excellent moyen de lui apprendre à s’approprier son rôle dans son éducation. Il ne s’agit pas de la mère, du professeur ou du manuel. Ce sont les élèves qui font le dur travail d’auto-éducation en traitant des idées vivantes et en les communiquant par le biais d’une narration.
- Laissez votre enfant (di)gérer : « Il est probable qu’il rejettera les neuf dixièmes des idées que nous lui proposons, comme il n’utilise qu’une petite partie de sa nourriture corporelle et rejette le reste. Il est éclectique ; il choisit ceci ou cela ; notre tâche est de lui fournir l’abondance et la variété nécessaires et la sienne de prendre ce dont il a besoin. L’urgence de notre part l’ennuie. Il résiste à l’alimentation forcée et déteste les aliments prédigérés. » (Volume 6)
Charlotte Mason VS Unschooling
Voyons un peu en résumé quels sont les points communs et quels points divergent entre la pédagogie Charlotte Mason et les apprentissages autonomes. Comparons un peu ces deux approches :
- Avec le unschooling, nous avons tendance à suivre exclusivement les intérêts de l’enfant pour s’orienter lorsque que l’on planifie ce que nous allons enseigner. Le « unschooling » repose en grande partie sur le fait de suivre l’enfant. L’approche de Charlotte Mason est différente. Avec cette pédagogie, nous veillons à donner à l’élève une grande variété d’idées, y compris plusieurs sujets qu’il ne connaît probablement pas encore. Nous avons en tête le fait qu’un enfant ne sait pas tout, qu’il y a de nombreuses choses qu’il ne connait pas car il est « neuf » sur cette terre. Il ne se rend pas compte de la multitude de sujets et d’idées qui existent, parce qu’il n’a qu’une expérience limitée aux quelques années qu’il a vécues jusqu’à présent. Une grande partie de notre rôle d’instructeur consistera donc à présenter à l’enfant une grande variété de matières et de nombreuses idées vivantes qui élargiront ses horizons et nourriront son esprit. Dans cette approche c’est donc le parent instructeur qui compose le « menu » et non pas l’enfant. Lui est libre de prendre du festin ce qu’il est prêt à recevoir à ce moment-là. Il est encouragé à former ses propres relations avec les idées qui sont présentées, mais les idées sont présentées d’une manière bien pensée et ordonnée, épargnant aussi à l’enfant l’effort de devoir tout choisir et décider en permanence.
- Cette pédagogie ne laisse-t-elle donc aucune place à l’apprentissage individuel ou à la poursuite d’intérêts particuliers ? Bien sûr qu’elle en laisse, c’est ce que permettent les après-midi libres. Dans la pédagogie Charlotte Mason, les leçons sont achevées le matin, ce qui laisse les après-midi libres pour que les enfants puissent poursuivre leurs intérêts individuels. J’ai observé que le festin proposé aux enfants les nourrissaient tellement d’idées, que ces temps dédiés à la poursuite des intérêts étaient plus riches et propices aux fameuses Grandes Passions. Ce que j’apprécie dans cette façon de faire c’est que, comparé aux années où nous étions en unschooling, je mets très peu mon nez dans les passions de mes enfants, et surtout pas à des fins pédagogiques, pour justifier telle ou telle compétence du socle auprès des inspecteurs. Leurs passions sont leurs passions, et le travail c’est le travail, même si chaque temps se nourrit l’un de l’autre et participe à l’équilibre de l’ensemble.
- Selon le degré de liberté et de spontanéité que nous avons dans nos journées libres, nous pouvons éprouver de la difficulté à établir un plan et le mettre en œuvre. Personnellement, quand j’étais en unschooling, je ne planifiais rien ; certaines personnes en unschooling planifient mais ne suivent pas spécialement leur programme car l’habitude de suivre un plan soigneusement établi n’est pas prise : nous sommes plutôt habitués à agir au pied levé chaque jour. La pédagogie Mason, au contraire, encourage la planification du travail et sa mise en œuvre – cela aide l’enfant à cultiver un mode de vie précieux, à prendre de bonnes habitudes et à s’autodiscipliner, c’est-à-dire faire quelque chose même quand il n’en a pas envie. Cette habitude est cruciale pour accomplir quoi que ce soit dans la vie. Avec Mason, l’enfant sait ce qu’il a à faire, il prend l’habitude des leçons courtes pour éviter de prendre la mauvaise habitude de l’inattention, il apprend à faire des efforts réguliers et constants pour aller au bout d’un plan. Je vois tous les effets bénéfiques incroyables de cette pédagogie avec mon ainé qui, à seulement 12 ans, est très autonome dans son travail.
- Ce que j’ai apprécié avec ces deux approches c’est l’utilisation de livres. Nous lisions déjà beaucoup à haute voix (une habitude transmise par mes parents) et j’ai trouvé ça assez naturel pour moi d’utiliser des living books pour nos leçons. J’ai simplement ouvert le champs des possible des livres et lu certains récits que je ne pensais pas lire un jour. J’imagine que ce qui a été positif pour moi peut être considéré comme un obstacle pour d’autres familles. Il n’est pas toujours évident de mesurer l’importance de ces lectures de livres vivants, on peut ne pas avoir l’habitude de lire ou trouver le langage, dans certains cas, trop complexes. Nous pouvons aussi penser que la connaissance ne se trouve pas dans les livres. C’est vrai en partie et les enfants auront toujours l’occasion de vivre des expériences de première main avec la nature, l’art, la musique, les travaux manuels et bien d’autres choses encore. Les livres et les expériences de la vie se complètent. L’éducation optimale offre les deux.
- Le unschooling et Charlotte Mason respectent tous les deux l’enfant en tant que personne, prennent en compte le rythme et les spécificités de chacun. Le unschooling témoigne de ce respect en s’en remettant aux intérêts de l’enfant et en l’encourageant à diriger ses études. Charlotte Mason respecte également l’individualité de l’enfant. En fait, l’un des principes clés de l’approche de Charlotte Mason est que l’enfant est une personne unique dès sa naissance et qu’il doit être traité comme tel. De nombreuses méthodes utilisées en pédagogie Charlotte Mason témoignent du respect de l’individu. Par exemple, le cahier de la nature est la propriété de l’enfant ; il y inscrit ce qu’il remarque lui-même. Les récits respectent également l’enfant en tant que personne. Le parent écoute attentivement l’élève raconter ce qu’il a retenu, en y mêlant sa propre opinion et les relations qu’il a formées avec les idées. La méthode Charlotte Mason étale un festin d’idées devant l’enfant et l’encourage à former ses propres relations personnelles avec les idées.
Passer du Unschooling à Charlotte Mason
Les transitions d’une approche éducative ne sont pas toujours évidentes mais tout à fait réalisables, j’en suis la preuve ^^ Voici trois conseils donnés par Sonya Shafer, du blog Simply Charlotte Mason :
• Rappelez-vous que, d’une certaine manière, vous donnez à votre enfant le meilleur des deux mondes. Vous lui offrez un large festin d’idées nouvelles, en travaillant systématiquement sur un programme bien pensé, mais vous lui donnez aussi le temps de poursuivre ses intérêts personnels. Les leçons de Charlotte Mason sont généralement terminées à l’heure du déjeuner, de sorte que l’enfant devrait disposer de l’après-midi pour explorer les sujets qui l’intéressent. Vous aidez votre enfant à cultiver l’habitude de l’autodiscipline grâce à l’apprentissage dirigé par le parent le matin et vous l’aidez à cultiver l’habitude de l’initiative personnelle en lui laissant du temps pour l’apprentissage dirigé par l’enfant l’après-midi. C’est une excellente combinaison !
• N’oubliez pas qu’il n’est pas nécessaire de tout changer en même temps. Il n’est pas nécessaire de passer d’un emploi du temps totalement déstructuré à un emploi du temps totalement structuré du jour au lendemain. Vous pouvez le faire progressivement, en ajoutant un plat après l’autre, et sur une durée assez conséquente (plusieurs années).
• Rassemblez votre matériel et vos livres la veille au soir. Cette nouvelle façon de planifier et d’enseigner vous oblige à prendre de nouvelles habitudes. Et les nouvelles habitudes sont plus faciles à prendre lorsqu’il y a un « déclencheur » ou un « signe » qui vous rappelle ce que vous voulez commencer à faire. Ainsi, le fait d’avoir un rappel visuel d’une pile de livres, placée à un endroit où vous les verrez le matin, devrait vous aider à prendre cette nouvelle habitude d’apprentissage dirigé par l’enseignant le matin. Lorsque vous entrez dans la cuisine ou le salon et que vous voyez cette pile de livres, le chemin des neurones de votre cerveau se met en action : « Ah oui, c’est moi qui dirige les apprentissages le matin. » Et plus ce chemin sera utilisé dans votre cerveau, plus cela deviendra une habitude et plus ce sera facile. Prenez donc trois ou quatre minutes la veille pour jeter un coup d’œil à votre programme du lendemain et rassembler les ressources dont vous aurez besoin. Placez-les à un endroit où vous serez sûr de les voir le matin, et vous commencerez votre journée sur la bonne voie pour une transition en douceur.
Et voilà, j’arrive au bout de ce très long article que je souhaitais écrire depuis si longtemps. Si vous avez des questions et des remarques, n’hésitez pas à les laisser en commentaires.
Coucou Maëva, nous avons pratiqué le unschooling pendant 3 ans et je me retrouve beaucoup dans tes mots ! J’aurais tellement aimé que mes enfants développent de grandes passions et ça n’a pas été le cas (en même temps ils avaient moins de 6 ans). J’ai énormément aimé le livre d’André Stern « et je ne suis jamais allé à l’école » et pour moi c’était un idéal. Mais je pense que son environnement était plus riche que celui que je proposais à mes enfants !
Aujourd’hui nos enfants sont scolarisés dans une école alternative géniale, mais je pense que je me serais penchée sur la pédagogie de Charlotte Mason si nous avions continué, en tout cas ce que tu en expliques est super intéressant. Je vais acheter les lives je pense !
Merci pour cet article. Bonne journée ????
Coucou Loïs, merci pour ton commentaire. Pour moi aussi l’enfance d’André Stern était un idéal et avec le recul je me dis comme toi, que nous n’avions pas le même environnement à offrir. Mais, André Stern parle beaucoup de jeux et d’enthousiasme, et je trouve qu’il manque quelque chose sur l’autre assiette de la balance. L’enthousiasme est fluctuant et on ne peut pas compter uniquement dessus, nous devons aussi apprendre à s’engager envers des choses ou des personnes et tenir nos engagements. L’engagement implique une force et une discipline, moins dépendants de nos émotions. L’enthousiasme est tourné vers soi, l’engagement vers l’autre et ces deux énergies se complètent et s’équilibrent.