Apprendre à lire c’est une chose, devenir un lecteur, ç’en est une autre. Je souhaite vous partager mon témoignage sur la façon dont Keyo est devenu lecteur de romans. Du genre à ne pas arriver à éteindre la lumière tant qu’il n’a pas fini « Robot sauvage » de Peter Brown ou d’avaler « Sacrées sorcières » de Roald Dahl en une soirée. Pour en arriver là, il faut que je l’avoue, j’ai tenté une chose radicale… J’ai réquisitionné ses BD ! Mais avant de juger la mère horrible que je suis, s’il vous plait, lisez l’article jusqu’au bout.

Apprendre à lire

Depuis qu’il est petit, Keyo a toujours aimé les livres. Oui, les livres, mais surtout les livres d’images qu’on pouvait lui lire par dizaines le soir avant de se coucher. Assez tôt, il avait déjà une sacrée bibliothèque, remplie de livres plus jolis les uns que les autres. Ça a toujours été un objectif pour moi : l’entourer d’un maximum de livres. Il adorait également les histoires écoutées sur son poste radio et les contes et romans que nous lisions aussi très régulièrement. Il a par ailleurs développé des capacités d’écoute et d’attention assez pointues grâce à cela.

Puis bien qu’il soit devenu lecteur en unschooling à mon plus grand soulagement, il s’est rapidement contenté de BD et de mangas. Jusque tard. J’ai laissé passer le temps, attendant qu’il soit prêt pour plus. Car, je savais qu’il était capable de lire mais il ne le faisait pas ou très peu avec des romans, même jeunesse. Fallait-il attendre, comme le conseille les apprentissages autonomes ? Attendre toujours que ça vienne de l’enfant ou y avait-il aussi dans son environnement un manque ou des obstacles ?

Le problème de la monodiète

Je n’ai jamais mis mon nez dans les livres de mes enfants, je ne l’ai jamais empêché de lire une BD qui ne me plaisait pas trop mais qu’il aimait, me disant qu’il prenait sûrement ce qu’il avait besoin dedans.

Oui, mais… Appliquant les principes d’éducation de Charlotte Mason, je me suis rendue compte qu’il était en pleine monodiète. C’est après avoir lu les réflexions d’Un festin d’idées sur les livres vivants, les lectures libres et les âneries selon Charlotte Mason que j’ai commencé à réfléchir à cela. Et une fois de plus, j’ai l’impression que cette grande pédagogue m’a ouvert les yeux. J’ai trouvé leur article très intéressant et très juste aussi.

Je vous propose de le résumer en 4 points :
– Charlotte Mason n’aimait pas les livres avec des images… (oups)
– Elle pensait même qu’ils étaient la cause des échecs scolaires (double oups)
– Charlotte disait que nous avions tendance à diminuer les capacités intellectuelles de nos enfants et à leur proposer des livres de basse qualité, voire des âneries ;
– Alors qu’au contraire, ils devraient grandir avec le meilleur de la littérature.

Est-ce que mon fils a été entouré de la meilleure littérature depuis son jeune âge ? Non ! Est-ce qu’il a eu des difficultés avec la lecture ? Oui ! Est-ce que le rapprochement est facile ? Oui aussi ! Peut-être que les choses ne sont pas aussi simples et que c’est facile après coup de se dire « j’aurai du faire comme cela ». En vrai, on ne le sait pas vraiment puisqu’on ne peut pas refaire l’histoire.

Evidemment, il existe plein d’enfants qui lisent des BD et des mangas, et qui vont également lire de nombreux romans. Là-dessus, je réponds qu’ils ont un régime varié et que c’est très bien de manger de tout.

Mais mon garçon lui ne se gavait que de bonbons. C’est un garçon plein de joie de vivre, très drôle, qui aime beaucoup faire des blagues et c’est ce qu’il trouvait dans ces BD : de l’amusement, beaucoup d’amusement. Il a un super caractère maintenant mais, avant, il avait aussi beaucoup de mal à comprendre les limites entre la réalité et les BD, ce qui nous a valu des petites complications d’ordre relationnel si vous voyez ce que je veux dire…

Le test sans BD

Le rôle de l’éducateur n’est pas facile. Parfois, il doit prendre des décisions qui apparaissent un peu abusif ou inégal. Mais il doit aussi écouter son instinct.

Et mon instinct me disait, à force de voir Keyo, lire et relire 50 fois la même BD au point de la connaître pour cœur alors qu’il y avait tout un tas de romans sympas et inconnus à sa portée, qu’il fallait que j’essaie un truc.

Alors, comprenez-moi bien. Je n’ai pas fait un test sans BD sans crier gare ou en m’énervant. Je ne les ai pas confisqué pour le punir. Non, je lui ai expliqué ma façon de voir les choses. Je lui ai dis que c’était un garçon extraordinairement drôle et que ses BD lui apportaient beaucoup mais que je trouvais cela dommage qu’il n’utilise pas son temps pour lire aussi d’autres livres, que ces autres livres lui apporteraient beaucoup d’idées pour les histoires qu’il invente, pour ses rêves la nuit et toutes les inventions qu’il aimerait faire plus grand. Je lui ai demandé s’il était d’accord avec l’idée de mon instinct d’essayer pendant quelques semaines d’enlever les BD et les mangas et les mettre dans notre garage. Au début, il a été surpris, il a cru que je voulais vendre ses livres. Donc je l’ai rassuré en lui disant que pas du tout, et que ses BD restaient accessibles s’il tenait vraiment à en relire une, que je ne l’empêcherai absolument pas.

Seulement, j’avais besoin de voir si, sans ses BD et mangas, il prendrait le temps de découvrir des lectures moins faciles mais tellement plus enrichissantes. Il m’a juste dit « d’accord maman, c’est une bonne idée, essayons cela, car c’est vrai que parfois j’ai envie de lire des romans mais je ne sais pas pourquoi, je prends toujours mes BD. »

Le résultat après seulement quelques semaines : il a lu Percy Jackson, Sacrées sorcières, Le petit Nicolas, Robot sauvage… Il a relu Fifi brindacier, Les petites filles modèles, Les farces d’Emil… Il va de temps en temps se prendre une petite pile de BD et de mangas dans le garage pour le plaisir de revoir de vieux potes mais il n’y passe plus toutes ses journées et ses soirées. C’est mon point de vue mais je trouve que c’est plus équilibré maintenant.

Il y a une partie de moi qui se dit que j’ai franchement été gonflée de faire un truc pareil, que j’aurai pu être patiente et lui faire confiance… Puis il y a une autre part qui se dit que j’ai fait le bon choix, que j’ai bien fait d’écouter mon instinct, que grâce à cela il se « nourrit » mieux. Et puis, je l’avoue j’aime tellement le voir avec tous ces romans autour de lui que je ne regrette pas. Ça a été une décision franchement à l’opposé de la personne que j’étais il y a encore 2 ans mais avec le recul, je crois qu’en tant que parent il faut aussi apprendre à se faire confiance. Nos enfants et l’atmosphère dans laquelle ils grandissent sont différents d’une famille à une autre. Nous sommes les mieux placés pour élever nos enfants, au propre comme au figuré.

Alors, vous en pensez quoi ? Vous auriez tenté un test pareil ? J’aurai pu jouer la carte du minimaliste en vrai mais il fallait que j’avoue ^^