La grammaire… En voilà un beau sujet quand on fait l’école à la maison et d’autant plus quand on navigue dans les eaux troubles du unschooling, ou en tout cas quand on a choisit une éducation qui respecte le plus le rythme de l’enfant. Quand Keyo a eu 6 ans, j’ai très vite pensé aux choses qu’il aurait dû apprendre s’il était en CP. Et la grammaire est vite arrivée dans ma tête, me demandant comment des notions aussi abstraites pouvaient être enseignées aux enfants. Je me suis toujours interrogée sur la nécessite de proposer certaines matières aux enfants si tôt. Ça fait 3 ans que je cherche désespéremment une réponse et je ne l’ai toujours pas trouvée. En effet, je trouve les “parce-que c’est pour éviter qu’ils ne prennent du retard” complètement idiots.

Alors, quelle fut ma joie immense quand je découvris que Charlotte Mason partageait la même idée que moi (ou plutôt que moi je partageais la même idée qu’elle :). Elle dit que la grammaire n’a pas besoin d’être enseignée avant les 10 ans de l’enfant pour une raison très simple. Je vous le donne en mille : c’est une matière bien trop abstraite ! Nous y voilà ! Si cette bonne dame était toujours vivante, je serai allée l’embrasser, la serrer dans mes bras, lui dire mille mercis ! Tchek Charlotte ^^

La grammaire est un outil pour perfectionner sa maitrise de l’art du langage

Quand on fait l’école à la maison, on se trouve vite confronté à des questions du style “mais à quoi ça sert d’apprendre ça ?” de la part de nos enfants. En unschooling, on s’intéresse d’autant plus à enrichir l’environnement de l’enfant car on sait que c’est par ce biais principal qu’il fera une grande part de son éducation. On lui apporte une grande culture, de bons livres, on utilise un vocabulaire large et varié, on montre un certain exemple, on va au musée, on s’instruit soi-même… et de cette manière nous faisons déjà une grande part du travail. Nous pensons sans cesse que tout ce que nous faisons n’est pas suffisant alors que ça l’est. Charlotte Mason utilise une pédagogie vivante et il y a, dans son curriculum, que peu de matières très formelles. La plupart des connaissances se transmettent de façon transversale, même l’art du langage.

Alors qu’est-ce que “l’art du langage” ? C’est le fait de communiquer une idée avec compétence. C’est ce qu’on appelle communément “le français” et tout ce qui s’y rattache. Déjà in utero, l’enfant développe cet art et cela se poursuit naturellement. A partir de 6 ans, Charlotte Mason préconise de faire place à une instruction plus formelle. Toutefois, sa pédagogie repose sur des activités qui vont avec la vie quotidienne : de bons livres, un travail de copie, de la narration et des discussions seront bien suffisants pour continuer à développer l’art du langage jusqu’à 9-10 ans.

Que trouve-t-on dans l’art du langage ? Connaître l’alphabet, développer sa capacité d’écoute, apprendre à lire, à écrire, travailler la ponctuation, l’orthographe, la conjugaison, enrichir son vocabulaire, faire rimer des mots, utiliser un dictionnaire, comprendre les notions de synonymes, antonymes, homonymes, suffixes, préfixes ou encore prendre la parole en public sont autant d’outils pour manier l’art du langage. Il y en a un que je n’ai pas cité et pourtant il est le sujet de cet article : la grammaire.

Oui, la grammaire est un outil parmi d’autres (et chacun a son importance) qui sert à perfectionner sa maitrise de l’art du langage. Elle fixe l’ensemble des règles pour apprendre à parler et écrire une langue (pour nous, le français). A la manière d’une constitution, elle établit les codes de bonne conduite d’une langue pour construire nos phrases et faire passer nos idées, que ce soit à l’oral ou à l’écrit.

La communication d’une idée se fait par différentes façons : l’écoute, la lecture, la parole et l’écriture. Ce sont les 4 composantes des arts du langage et nous allons nous attacher à les développer. Les enseignants d’aujourd’hui ont tellement décomposé cet art qu’il existe une multitude de leçons spécifiques pour former un tout, or pour Charlotte tout n’est pas utile car sa pédagogie enseigne naturellement de multiples notions ou en pose tellement bien les fondations, que le travail postérieur est facilité et rapidement assimilé. Seules certaines compétences spécifiques se détachent et nécessitent qu’on en fasse des leçons formelles : l’apprentissage de la lecture, la copie, la dictée, la poésie et la grammaire.

Quand commencer la grammaire avec les enfants ?

Elle propose de commencer gentiment autour de 9 ans avec le sujet et ce qu’on dit à propos du sujet. Puis à partir de 10 ans, d’aller un peu plus loin. Elle assure que les apprentissages vont se faire très très vite à partir de ce moment-là car le cerveau de l’enfant est bien plus mature et disposé à saisir ce qui est abstrait. Avant 9 ans, on favorise l’oralité, on pose les fondations de la grammaire par le travail de copie, la narration, l’apprentissage des usages d’une langue par la discussion et surtout la lecture de bons livres. La grammaire est un concept difficile à comprendre pour un enfant qui pense concrètement (ce qui peut expliquer pourquoi le système éducatif traditionnel doit rabâcher année après année les mêmes notions).

La grammaire étant l’étude des mots et non des choses, elle n’est pas du tout attrayante pour l’enfant et on ne devrait pas le presser à en faire l’étude.” Mason, C., Home Education, p. 295

Je trouve qu’avoir l’appui d’une grande pédagogue comme Charlotte Mason peut permettre d’avoir des arguments envers les inspecteurs si on choisit volontairement de ne pas introduire la grammaire dès le cycle 2, voire le cycle 3.

La méthode de Charlotte Mason

L’approche de Charlotte Mason fait sens pour moi. L’une de ses principales stratégies est d’intégrer l’étude de la langue à d’autres matières plutôt que d’en faire des leçons distinctes. Ainsi, pendant que l’on fait de l’histoire ou de la géographie, les enfants écoutent, lisent, prennent la parole et écrivent. La narration, la discussion, le travail de copie et la bonne littérature poursuivent l’élan naturel d’apprentissage de la langue.

Une fois que les enfants sont prêts, les parties du discours sont introduites de manière simple avec des exercices simples : Keyo organise un concours de toupies, Oléia cuisine avec son papa, Loueï attrape les poules. On commence à analyser, disséquer une phrase et en nommer les parties. La grammaire devient alors “vivante” car les enfants sont placés au centre de leurs propres exercices, ils analysent les tâches qu’ils effectuent.

Tout comme pour l’écriture et l’orthographe, nous utiliserons également des livres vivants pour pratiquer l’analyse grammaticale. Par exemple, une strophe d’un poème avec plusieurs mots en italique ; les enfants devront identifier chaque partie. Ou bien le paragraphe d’une lecture en cours ; les enfants devront relever et écrire tous les verbes qu’ils rencontrent. De cette façon, on continue à nourrir leur esprit avec de grandes idées même en pratiquant la grammaire.

Charlotte Mason disait qu’une grande différence entre les gens et toutes les autres créatures vivantes est que les gens se parlent avec des mots. D’autres créatures utilisent de nombreux signes et sons, mais elles n’ont pas de mots. Il n’y a qu’à voir l’épaisseur d’un dictionnaire pour se rendre compte à quel point nous avons de mots. Et chaque année, les éditeurs en ajoutent de nouveaux. Il faudrait des jours entiers pour compter tous ces mots qui existent, rien que pour notre langue.

Pour introduire chaque notion grammaticale, Charlotte Mason utilisait un manuel de grammaire anglaise traditionnelle pour enseigner ce sujet. Vous pouvez le regarder en cliquant ici. J’ai trouvé que l’introduction était possible d’être utilisé en français mais elle se limite vite car la grammaire anglaise et la grammaire française ne s’apprennent pas de la même façon. Souvent, les livres anciens de grammaire sont très bien faits :

Elle poursuivait ensuite avec des passages de bons livres ou de poésies comme je l’ai décrit plus haut. Le mieux est de multiplier les exemples pour en déduire les règles et non pas le contraire.

Charlotte a déclaré qu’ « à douze ans, les enfants devraient avoir une bonne connaissance de la grammaire anglaise » (Vol. 3, p. 235). La grammaire française me parait un peu plus complexe alors je ne suis pas sûre que deux années suffisent pour tout intégrer, mais ce dont je suis convaincue c’est qu’il ne sert à rien de commencer plus tôt pour la mauvaise raison qu’il y a beaucoup à retenir.

Par ailleurs, cet article me fait penser à Eloquentia, un concours qui vise à élire le meilleur orateur du 93 (le concours se déroule à l’université de Saint-Denis). “Des étudiants de cette université issus de tout cursus, décident d’y participer et s’y préparent grâce à des professionnels qui leur enseignent le difficile exercice de la prise de parole en public. Au fil des semaines, ils vont apprendre les ressorts subtils de la rhétorique et vont s’affirmer, se révéler aux autres, et surtout à eux-mêmes.” J’avais découvert ce concours à travers le magnifique documentaire de Stéphane de Freitas : “A voix haute“. Je trouve que c’est une bonne façon de montrer aux enfants le pouvoir des mots et du coup de rendre la grammaire plus utile.

Pour aller plus loin, vous pouvez également écouter le podcast de Festin d’idées à ce sujet en cliquant là.

A bientôt,

Maeva