La semaine dernière, nous avons eu notre inspection annuelle et elle ne s’est pas très bien passée. Il m’a fallu plusieurs jours pour faire redescendre la colère et retrouver un peu de lucidité. Bizarrement, cette inspection m’a mis un coup de pied aux fesses dont j’avais sûrement besoin. Voilà plus d’un an maintenant qu’on s’est mis à formaliser un peu les apprentissages le matin. Au début de façon classique avec les cahiers, puis en trouvant un entre-deux avec l’inspirante pédagogie Waldorf-Steiner.

Mais il faut se rendre à l’évidence, tous ces temps de travail sont contraints, même avec un beau papier brillant de créativité autour. Toutes ces activités formelles sont adaptées à l’école et non pas à notre histoire d’amour avec les apprentissages libres. Steiner le dit lui-même dans ses livres : les programmes et les activités qu’il a développé en fonction de l’âge de l’enfant sont pour rester en accord avec l’institution scolaire. De nombreuses activités prendraient plusieurs années à être approfondies SI ON AVAIT LE TEMPS. C’est toujours le temps qui manque à l’école, il y a la pression des programmes, des attentes de niveau et cette inspection obligatoire déplace cette pression sur les familles non-scolarisantes.

En lisant Steiner, j’ai l’impression qu’il a vraiment voulu formuler une pédagogie qui se rapproche le plus de la nature profonde de l’être humain et donc de son développement. C’est ce qui m’a plu. C’était comme trouver un juste milieu entre le “formel scolaire” et les apprentissages naturels. Malgré tout, cela reste un apprentissage guidé par l’adulte et donc contraint. Contraint en terme de contenu, de lieu et de temps.

Lorsque j’avais regardé “Etre et devenir”, le film de Clara Bellar sur les apprentissages autonomes, ça a été une révélation. C’était plus simple à ce moment-là car Keyo n’était pas encore entré dans la période d’instruction obligatoire. C’est la meilleure année que j’ai passé dans ma vie : la vraie liberté d’être, de faire, de penser. Sans prendre en compte les attentes des autres. Vivre pour soi et non pas pour rendre des comptes.

Petit à petit après la première inspection de Keyo (où on était encore à 100% en unschoolingil a même appris à lire en autonomie), j’ai commencé à avoir besoin de mettre en place des routines de travail pour coller à je ne sais quelle image et à me sentir moins anxieuse vis à vis des inspections. Keyo a pris en maturité et a donc été plus docile, parfois même en demande – au début surtout (auparavant, la moindre activité formelle provoquait des crises de larmes…). Mais d’un autre côté, j’ai ressenti aussi une sorte de diminution des apprentissages autogérés (ou alors c’est moi qui y prêtais moins attention). Pourtant, nous faisions seulement 1h environ de formel le matin (parfois moins, parfois plus), mais on a commencé à se focaliser tellement sur ce temps et le sacraliser comme LE temps d’apprentissage que le reste de notre vie et tous les apprentissages naturels qui en découlaient sont apparus comme du bonus et non plus comme essentiel. Les apprentissages “importants” ne provenaient plus que de ce moment que j’avais imposé reléguant ainsi à la seconde place tout le reste.  En bref, j’ai beau avoir maintenu un rythme en unschooling à 90% du temps, le “formel contraint” (par opposition au formel voulu) est devenu dominant et on s’est reposé dessus pour rentrer dans les clous des inspections.

Quelle déception, quelle rage, quelles frustrations pour moi de me rendre compte que ces efforts n’ont pas été reconnus et appréciés par ceux-là même pour qui nous le faisions. La morale de l’histoire est simple : vivre pour soi, vivre avec ses convictions est essentiel. On peut défendre bec et ongles nos convictions, mais pas avec autant de niaque les convictions des autres. On ne les ressent pas vivre à l’intérieur de nous.

Cette secousse m’a donc finalement fait du bien. Comme une amie me l’a dit, c’est une inspection à voir comme un “pré-contrôle” ou un contrôle qui ne compte pas. Et peu importe ce qu’il aurait mesuré, tant qu’il aurait édicté quoi que ce soit, il n’aurait pas montré du respect pour ce que nous faisons. Quand on continue à vouloir soulever les petits cailloux pour voir ce qu’il y a dessous, à la recherche d’autres cailloux, on passe son temps à se focaliser sur ce qu’il ne va pas.

Alors plutôt que de me mettre la pression pour faire plus de formel encore et être prête (selon leurs attentes) pour notre prochain contrôle, j’ai envie de revenir aux sources. Affirmer nos choix et notre façon de penser (sans rentrer dans une relation conflictuelle sauf si je n’ai pas d’autres choix). C’est le seul chemin vers la liberté. Je vais donc rééplucher les textes de loi (qui sont encore avec nous), davantage discuter avec des personnes qui ont les mêmes choix éducatifs que nous, demander de l’aide auprès d’une association (je suis adhérente à Led’a mais il en existe d’autres) et me sentir ainsi plus droite dans mes bottes en mai prochain pour le second contrôle.

Revenir aux sources cela signifie pour nous :

  • arrêter le “sacro-saint” temps de travail du matin (sauf en cas de demande)
  • être ouverte aux demandes de travail à toute heure de la journée en restant dans l’accueil et sans anticiper tous les besoins. Encourager l’autonomie dans les recherches.
  • lâcher prise avec la restriction des écrans (dans une certaine mesure malgré tout) : beaucoup d’apprentissages auto-gérés proviennent de reportages, jeux sur tablette, émissions, films…
  • revenir à un mode de vie plus cool quasi sans planning, avec plus de bazar et d’apprentissages spontanés (même le soir ^^ encore une fois dans la limite de notre raisonnable)
  • accueillir mes enfants, les rencontrer dans toutes leurs particularités, les laisser me surprendre et être ce qu’ils sont sans projections ni attentes. Ils sont parfaits comme ils sont. Mes doutes et mes peurs sont légitimes mais elles ne doivent pas venir les brimer. A moi de travailler dessus et réapprendre chaque jour à leur faire confiance
  • partageons nos vies et respectons les intérêts de chacun. Restons à l’écoute des uns et des autres et prenons du temps pour eux. Accepter qu’on ne contrôle pas grand chose 🙂

Bah voilà, c’est con mais je me sens mieux, plus en phase avec moi-même. Malgré cela, l’instruction en famille reste d’une richesse infinie, le unschooling  découle davantage de notre philosophie de vie, il est propre à chacun car l’enfant puise dans son environnement. Il n’empêche pas de faire ses tambouilles pédagogiques et d’aller puiser l’inspiration chez les pédagogues alternatifs qui m’ont aidé et m’aideront encore à transmettre certaines connaissances lorsqu’elles seront sollicitées. Et puis chaque enfant est différent. Keyo est un électron libre, un cheval sauvage, difficile à suivre. Il a cette énergie très masculine que parfois j’ai peur de ne pas réussir à accompagner comme il faut. Mais ce sera sûrement le sujet d’un autre article car celui-ci est déjà assez long. Oléia, quant à elle, a deux énergies plus équilibrées dont une part plus calme, observatrice, persévérante ce qui rend nos moments plus posés et interactifs. On arrive à poursuivre une activité pendant 1h avec plaisir, elle est très demandeuse, c’est un vrai échange. Bref, un autre tempérament, et Loueï nous surprendra sûrement également ^^

A très vite,

Maeva