Dans un article précédent, je vous ai parlé des supers podcasts d’Un Festin d’idées. J’adore les écouter, ils m’ont permis de mieux cerner ce qu’était la pédagogie Charlotte Mason.

Le problème qui m’est toujours posée, personnellement, c’est de concilier au mieux les apprentissages autonomes avec les pédagogies qui me plaisent. Je suis sensible aux méthodes vivantes. Je vais donc m’attacher à faire coïncider la pédagogie Charlotte Mason avec mes valeurs d’ici les prochaines semaines avant de vous faire un retour. Cet article n’a donc aucune prétention à vous fournir ce qu’est vraiment la pédagogie Charlotte Mason (pour cela je vous invite à écouter les podcasts). C’est mon appropriation, une sorte de narration écrite de ce qui m’a parlé et ce que j’en ai compris.

Sa façon de voir l’enfant

Ce que j’aime beaucoup chez elle, c’est qu’elle considère les enfants comme des personnes, soit un être humain à part entière créé par l’univers. Cela met de la distance avec le fait de considérer l’enfant comme une personne dont les aspirations individuelles domineraient les autres. Je trouve que cela permet vraiment de faire la distinction avec l’enfant roi dont les désirs seraient absolus et supérieurs.

Au contraire, nous sommes invités à regarder l’enfant autrement. Nous devons le respecter dans son immaturité, comme une créature du cosmos complète et aimée, dans sa personnalité et ses particularités, son besoin d’être accompagné et stimulé, dans son droit à avoir accès à une éducation généreuse et variée. Nous devons le regarder en nous disant « c’est dingue comme la vie est bien faite ! Un être humain avec des bras, des jambes, des mains pour créer, une tête pour penser, et un cœur pour aimer… ». Vous saisissez la différence ?

Elle invite à avoir un profond respect pour l’enfant, son rythme, ses difficultés, lui permettre de s’épanouir et se dépasser. On ne doit jamais manipuler ou manquer de respect à l’enfant, ne surtout pas le juger. Il est qui il est et non pas ce qu’on aimerait qu’il soit.

La vie est un festin d’idées

Quand on comprend la philosophie de Charlotte Mason, l’expression « festin d’idées » prend tout son sens. En grandissant,les enfants doivent apprendre que leur plus grande responsabilité, en tant que personne, est d’accepter ou de rejeter une idée. Il est ainsi préparé pour la vie et pourra faire face aux décisions qui se présentent à lui. Prendre une décision c’est faire ce qui est bien plutôt que ce qui vient naturellement ou est agréable. Notre rôle est de faire passer des petites graines d’idées avec lesquelles l’enfant pourra jouer, expérimenter, apprendre. Nous nourrissons ainsi ses besoins intellectuels, spirituels et physiques et lui permettons de développer son sens moral.

Des livres vivants

Vous avez surement lus et entendus toutes sortes de choses sur les livres vivants, et je ne sais pas comment j’ai pu passer à côté d’une telle prise de conscience sur toute cette histoire de narration. J’aimerais donc vous expliquer, en essayant d’être la plus synthétique possible, ce sur quoi repose l’instruction à la Charlotte Mason.

L’enfant a le droit à une éducation riche et stimulante, ce qui signifie que nous devons explorer avec lui de nombreux domaines. Pour Charlotte Mason – et c’est une autre chose que j’aimais beaucoup chez elle -, il n’y avait pas de hiérarchie entre les matières : l’étude de la nature est tout aussi important que les mathématiques. Les apprentissages sont vivants et transversaux. Les manuels scolaires, à l’inverse, sont secs et mono-sujet.

Charlotte Mason tient à ce que les cours soient remplacés par la lecture de livres. On les appelle les Living Books, ou livres vivants pour la version française. Ce sont des livres écrits par de très bons auteurs, qui utilisent un vocabulaire riche, qui maitrisent leur sujet et savent transmettre leurs connaissances grâce à leur talent d’écrivain. Ils savent raconter des histoires et captivés leur lecteur en plantant des petites graines d’idées dans leur tête. Les Living Books plaisent souvent à toutes les générations et attisent notre curiosité. Il existe des livings books sur quasiment tous les sujets et ce sont eux sur lesquels nous allons nous appuyer pour faire nos leçons.

Pour chaque domaine d’étude, nous allons choisir un living book, lire pendant un temps défini et demander ensuite à l’enfant de narrer ce qu’il a retenu du passage lu. Il faut avoir un minuteur car la lecture + la narration ne doivent pas dépasser 20 minutes. A nous d’adapter le temps de lecture si l’enfant narre beaucoup ou peu. Et si on dépasse, on raccourcit le temps de la leçon suivante. Surtout, on prend bien notre temps, l’objectif n’est pas de terminer le livre,seulement planter des graines d’idées. Par la narration, l’enfant apprend ce qu’il a entendu et peut même faire des liens avec d’autres histoires. La narration est un exercice que tout le monde pratique au quotidien quand on raconte quelque chose qu’on a lu ou entendu. Seulement, dans ce cas précis, l’enfant va devoir apprendre à narrer de façon contrainte.

Attention, je n’ai pas dit que Charlotte Mason était la reine du unschooling. Point du tout. Même si beaucoup de ses idées rejoignent celles qui nous font aimer le unschooling, le parent reste le guide et responsable de l’instruction des enfants. Je suis à un moment dans ma vie où j’ai envie de tester cette pédagogie, voir comment elle est reçue par les enfants et si elle nous correspond.

En résumé, ce que j’aime, c’est :

  • qu’elle fixe un temps limite par leçon (lecture + narration = 20 minutes maxi)
  • que cela se fait par la lecture de livres sans objectif à atteindre. Pas de nombres de pages ni l’obligation de finir le livre. On lit ce qu’on a envie, on arrête, on reprend plus tard ou plus jamais. Un livre peut se lire en quelques jours comme en plusieurs mois, voire mêmes années. Chacun fait comme il veut. Au feeling 🙂
  • L’enfant connaît son planning, il sait combien de temps il a et s’investit donc plus. Il n’a pas un objectif en terme d’exercices mais bien en terme de temps. C’est une manière de le responsabiliser tout en respectant sa capacité de concentration.
  • La narration est un exercice qui permet d’avoir une aisance à l’oral, d’organiser ses idées, faire des liens entre différents domaines, d’aiguiser son esprit critique… avant de passer à l’écrit quand l’enfant sera prêt. Exit les dictées ou les exercices artificiels. On part vraiment de connaissances, d’idées dont l’enfant est le maître. Je pense vraiment que cela prépare au fait de faire des exposés, des rédactions, des mémoires que ce soit pour soi ou pour des études futures. On est également plus proche de l’école philosophique de Platon qui reposait sur des échanges, la dialectique… C’est ça aussi considérer l’enfant comme une personne.
  • Avant « le collège », Charlotte Mason limite à 2h30 le temps d’instruction afin de laisser une grande part au jeu libre. A partir du collège, c’est 5h si ma mémoire est bonne. Mais tout condensé le matin. L’après-midi est consacrée à l’enfant et ses centres d’intérêt : être dehors, jouer avec des amis, être dans la nature et l’étudier… L’instruction imposée par la lecture de livres vivants et d’activités associées est là pour enrichir et stimuler son environnement.
  • A mon sens, c’est une pédagogie vraiment vivante, même s’il y a des temps formels contraints, je pense que l’enfant reste au centre. On ne cherche pas à l’influencer, seulement à le nourrir avec de la nourriture variée. On le laisse prendre la quantité qu’il peut.  Il y a les petits oiseaux et les ogres.
  • J’aime beaucoup l’analogie qu’elle fait entre l’éducation et la nourriture. Comme par exemple : on a tous nos plats préférés mais on doit aussi varier notre alimentation.
  • Elle responsabilise le parent dans l’instruction de son enfant tout en responsabilisant l’enfant. Il ne doit pas devenir un être passif mais autonome. Le parent n’est pas obligé de tout savoir, tout connaître, répondre à toutes les questions… On n’est pas le showman de l’univers comme elle disait ! On doit seulement donner les outils à l’enfant pour lui permettre de savoir où chercher et où trouver. Le parent ne sait pas tout, n’est pas parfait, on doit tous gérer différents rythmes, d’autant plus en cas de fratrie. L’objectif est de responsabiliser et autonomiser l’enfant au fur et à mesure.
  • Mason disait qu’il fallait être « vrai, beau et bon ». En cela, elle invitait chaque famille à ne pas faire semblant d’être une autre, mais plutôt assumer ses valeurs, ses croyances, son ambiance et sa culture familiale. C’est cela qu’elle appelait « Atmosphère ». L’atmosphère de sa famille est un cocon où chacun se sent vrai, beau et bon.

Du coup, concrètement, on s’organise comment ?

Tous les podcast de Festin d’idées ne sont pas encore sortis. Comment vous dire que je suis super excitée quand un nouveau apparaît. Il existe tout de même des blogs français super à la pointe de cette pédagogie et sur lesquels nous pouvons nous appuyer.

J’ai beaucoup aimé le principe du planning en boucle : le « loop schedule » que j’ai découvert sur le blog « Une année avec Charlotte« . Évidemment, il sera fait à notre sauce. J’ai abandonné les horaires depuis un moment, même si nous manquons sûrement de discipline pour Charlotte, nous ne sommes pas une école mais une famille et mes nuits sont encore trop pourries pour mettre la barre trop haute. Objectif : simplicité et authenticité.

Devant le nombre de livres et de domaines que je souhaite exploré, j’ai donc listé les livres vivants que je vais lire avec les activités associées sur des petits papiers. Chaque jour, en fonction du temps, de l’humeur, de la disponibilité… nous pourrons avancer sur nos domaines d’études. Quand un papier est fait, hop, on le met derrière et on passe au suivant.

Encore une fois, je n’ai pas encore appliqué à la lettre et de façon régulière tout ce que je viens d’écrire. Je vous ferai donc un retour d’ici quelques mois. En attendant, je vois cette nouvelle façon de faire comme un ingrédient de plus dans ma tambouille pédagogique faite de Steiner et d’apprentissages informels. Mason vient prendre une place de choix, elle m’a beaucoup aidé à relativiser, à calmer mes attentes et m’a redonné confiance après notre dernière inspection. J’espère donc trouver en elle une nouvelle amie et alliée.

A bientôt !