Je voudrais vous raconter notre expérience de l’apprentissage de la lecture en unschooling avec Keyo. J’espère que j’aurai d’autres récits à vous livrer dans quelques années pour Oléia et Loueï et que chacun sera différent. Nous pouvons enfin affirmer que Keyo lit. Alors, il doit encore se concentrer pour déchiffrer des sons complexes, tout n’est pas fluide, mais il lit tout, tout le temps, partout. Il lit les mots sur le paquet de céréales du matin, il lit des histoires à ses soeurs, il lit les enseignes dehors, il lit les consignes de ses cahiers, il lit ses BD, des premiers romans, il nous fait même la lecture de plus gros romans le soir.

C’est de mieux en mieux. Chaque jour, j’observe ses progrès, sa fluidité, sa passion, sa fierté grandissante. Je me souviendrai toujours de l’immense sourire qui a envahit son visage le jour où il est venu me demander ce qu’il y avait écrit sur une pile. Après lui avoir répondu, il m’a dit “c’est pas vrai, c’est ce que j’ai trouvé !”

Existe-t-il une méthode pour apprendre à lire naturellement ? Oui : du lâcher prise et de la confiance. Je sais, je vais décevoir ceux qui aimeraient peut-être des idées plus concrètes. Toutefois, je vais essayer de vous raconter un peu les étapes d’évolution que j’ai pu remarquer, sachant que ces étapes correspondent à la partie émergée de l’iceberg.

Le goût pour les livres

Comment donner le goût de la lecture aux enfants ? J’observe souvent ce titre racoleur sur certains sites. Est-ce qu’on peut vraiment donner le goût à des choses ? Plus je vis au quotidien dans une certaine liberté avec mes enfants, plus j’ai l’impression qu’on ne peut pas le donner. Donner dans le sens enseigner, forcer. Par contre, on peut donner comme un cadeau, un vrai cadeau qui consiste à laisser prendre quelque chose qu’on aime. Comme un objet qu’on voit devenir précieux dans l’oeil de l’autre. Je ne sais pas si je suis très claire…

Alors comment peut-on faire pour donner l’envie de lire ? En laissant les enfants se faire des cadeaux. Cela ne sert à rien d’insister sur une lecture non désirée. C’est comme pour tout, tout est plus magique quand cela vient d’une force à l’intérieur de soi. Mis à part lire soi-même, avoir des livres dans sa maison, aller à la librairie ou à la bibliothèque, que peut-on faire sinon laisser l’enfant s’imprégner de son environnement ? Il faut vraiment vivre enfermé dans une caverne pour passer à côté des livres et du pouvoir qu’il renferme.

Une fois que ce goût est là et que l’enfant vous demande de lui faire un cadeau de lecture, allez-y ! Lisez tant que vous pouvez, lisez le matin au petit-déjeuner en trempant les tartines beurrées, lisez avant la sieste à tous les doudous de bébé, après la sieste pour accompagner le gouter, le soir pour le coucher avant le grand départ chez Morphée. Lisez à toute heure du jour et de la nuit ^^

On a toujours lu à la maison, des petites ou des grandes histoires, dans la journée ou le soir. On aime aller à la bibliothèque et lire de tout : contes, histoires drôles, BD, romans, … Lire est un acte d’amour avant d’être un besoin.

Le laisser choisir ses supports

Je n’ai jamais été très regardante sur les livres qu’il choisissait. J’ai laissé lire des livres qui lui plaisait, des livres qui le faisait rire mais pas moi, des livres au style un peu pourri mais dont il raffolait… Je considère que s’il les lit c’est qu’ils doivent répondre à quelque chose à l’intérieur de lui que je ne peux pas comprendre. Car oui, je le rappelle, les adultes ne comprennent pas les enfants.

Il est très vite devenu accro aux BD. J’ai tout de suite pensé que ce serait grâce à elles qu’il lirait. On ne me prenait pas au sérieux, on m’a dit que c’était parce-qu’il y avait des images, oui sûrement comme dans tous les livres pour enfants. Mais il y aussi beaucoup de texte et surtout des onomatopées. La lecture a commencé avec ça en fait : les Sploutch, les AAAaaaaargh, les PAF ! Ça le faisait rire.

Répondre à ses questions

L’année de sa déscolarisation nous avions sur le frigo des lettres aimantées, il les déplaçait les unes à côté des autres et nous demandait : “ça veut dire quoi ça ?” Moi : “euh splyhd ?” Et hop, il riait à gorge déployée. On a longtemps joué à ce petit jeu des lettres qui mis côte à côte faisaient des sons bizarres. Et puis à d’autres moments, il me montrait une lettre et me demandait là encore quel son cela faisait et il repartait comme il était venu. Cela a duré un an et demi comme ça, les lettres l’intéressaient puis plus du tout.

Les Alphas

Quelques mois après sa déscolarisation, je me suis décidé à acheter le coffret des Alphas. Je trouvais l’idée géniale et concrètement j’ai eu l’impression que ça l’avait aidé à transformer la lettre en phonème, c’est-à-dire le tracé en son. C’était un premier cap et encore aujourd’hui quand il bute sur une lettre qu’on voit moins (le g, le h), je lui donne le nom de l’Alpha et ça lui revient tout de suite. J’avais écrit un article il y a deux ans, ça s’appelait “Des lettres partout dans la maison”. En le relisant, je me dis que j’étais motivée quand même. Je ne sais pas s’il y a vraiment eu d’autres supports qui ont fait avancer les choses plus que les autres car finalement, c’est maintenant, deux ans plus tard, qu’il lit. Tout le matériel Montessori, mis à part les livres de Balthazar si on considère ça comme faisait partie de cette pédagogie, ne nous a jamais servi pour Keyo.

L’entourage

J’ai observé deux grandes avancées chez Keyo, deux moments qui ont coïncidé avec la venue de notre famille à la maison. Sa jeune tata est au collège et son cousin, un peu plus âgé de quelques mois que lui, du même niveau scolaire. Il savait donc déjà lire puisque il était au CP. Là encore, je ne sais pas comment se tire les ficelles mais peu après leur départ, à deux reprises, j’ai vu son intérêt pour les mots revenir au galop. Cela me fait vraiment prendre conscience que le mélange des âges est important et qu’il nous manque ici plus de diversité. Keyo est le plus grand de sa fratrie et il côtoie des enfants de son âge qui ne vont pas à l’école. Ca manque d’enfants plus grands et d’enfants qui vont à l’école comme quand on vivait à Strasbourg. Je sais que Keyo retrouve ces enfants quand il va au parc ou à ses activités mais nous n’avons pas encore réussi à passer le cap de l’amitié. Je me souviens lorsque nous sommes allés chez des amis qui ont un fils de 12 ans, il a régné un calme au niveau des activités, j’étais étonnée. Pareillement, lors d’une sortie l’été dernier à un concert en plein air où il s’est fait un copain de 11 ans. Les enfants plus grands sont des ados et ils apportent un peu de sagesse, ils tirent vers le haut en quelques sortes. Il y a un échange plus riche qui se crée entre plusieurs univers.

Lui donner confiance en lui

J’ai senti à un moment qu’il savait lire. Je l’entendais déchiffrer en jouant à la console ou en regardant le paquet de céréales. Mais il me répétait qu’il ne savait pas lire. Keyo ayant un problème de confiance en lui, j’ai décidé de lui trouver des petits livres très simples qui l’aideraient à se dire qu’il est capable. J’ai donc acheté Le tipi de Sami et paf ! ça a fait des chocapics ça a été le révélateur. Après cela, il m’a demandé de lui en acheter d’autres, j’ai donc pris toute la suite de Niveau 1, puis quelques Niveau 2 et 3 mais il ne les a jamais lu. Il est allé retrouvé ses BD et ses mangas pour les lire entièrement, les livres de notre bibliothèque pour les lire à Oléia, … Et voilà, depuis il ne s’arrête plus ! Je le vois même ouvrir des gros livres de ma bibliothèque. Hier, il a ouvert “100 maladies du XXIème siècle” car on a tous eu la gastro cette semaine et il voulait trouver le remède pour nons guérir. Il commence à faire des recherches sur Internet, à lire les livres de cuisine, il me reprend si je ne lis pas les bons mots d’une histoire, il lit les sous-titres quand on regarde un film, … Bref, il est entré dans l’univers des mots ! Et quel univers !

Dans le film “Etre et devenir”, Naomi Aldort raconte que son fils ainé avait appris à lire un une nuit. Elle disait qu’il était passionné d’oiseaux, qu’ils avaient trouvé un livre sur le sujet et que le lendemain il lisait un livre à son frère. Et paf, ça a encore fait des chocapics ça sort quand l’enfant est prêt. Lorsque j’écoutais son récit, j’ai toujours pensé que tout s’était fait du jour au lendemain comme par magie. Maintenant, j’ai compris. Il y a des étapes avant et des étapes après, mais oui il y a un jour où cet enfant passe un cap, il ose lire pour quelqu’un d’autre, il partage ce qu’il a appris même si c’est encore aux balbutiements, même si c’est encore une lecture hasardeuse, avec des erreurs. Et toutes les étapes d’après seront destinées à s’améliorer.

Je suis très fière d’avoir gardé confiance en Keyo, beaucoup de blogs que j’aime lire et dont les enfants font l’école à la maison ont, soit déscolarisé l’ainé après le CP où il avait appris à lire, soit une pédagogie plus formelle. J’ai tenu bon parce-que j’avais confiance et je suis super heureuse d’avoir assistée à l’éclosion de cette magie.

Et, pour finir, je vous conseille ce joli film pour les enfants qui auraient encore un peu peur des mots, Kérity, la Maison des Contes, dont voici la bande-annonce:

[youtube https://www.youtube.com/watch?v=f45O-UjmbdI?rel=0]

Et vous, alors le cap a été franchi comment ?