Je ne suis absolument pas une professionnelle de la rééducation en écriture et c’est donc avec beaucoup de modestie que j’ai décidé d’entamer une série d’articles sur un projet décidé avec Keyo : celui d’améliorer sa tenue du stylo et son écriture. Pour cela, j’ai fais quelques recherches et lu un livre très instructif de Danièle Dumont : Le geste d’écriture. Il me semble intéressant de partager notre petite expérience sur le sujet ici surtout quand on sait à quel point la place de l’écrit est assez déterminante dans nos sociétés. C’est en effet sa découverte qui marque le passage de la préhistoire à l’histoire. Alors au-delà de tous les avantages qu’on lui attribue, écrire c’est aussi exprimer une partie de nous aux autres et son plaisir est souvent lié à à sa qualité. Cela implique différents paramètres :

  • le confort du corps, des épaules, du bras, du poignet, des mains et des doigts ;
  • la satisfaction de son écriture.

Or en ce qui concerne Keyo, il n’est ni à l’aise avec son corps lorsqu’il écrit, ni encouragé par la qualité de son écriture. Au lieu de lui donner envie de s’investir, l’ampleur de la tâche le décourage très vite car il trouve cela trop difficile et fatiguant. Nous n’avons pas l’habitude de formaliser les apprentissages c’est pourquoi j’ai demandé à Keyo s’il était d’accord pour se lancer dans ce projet, s’il s’y investirait malgré les exercices. Ce à quoi il m’a répondu par l’affirmative. Je crois que le fait de mal tenir son stylo et d’écrire “mal” est quelque chose qui le rebute beaucoup, pourtant je fais très peu de commentaires, je l’ai même plutôt toujours encouragé. Mais lui-même se rend bien compte que le rendu de son écriture n’est pas très esthétique.

En France, la préparation à l’écriture se travaille dès l’entrée en petite section de maternelle par une foule d’activités a priori sans lien avec l’écriture. Et pourtant. Danièle Dumont conseille de retarder aussi longtemps que possible la tenue du stylo et favoriser d’autres activités qui y préparent : chanter des comptines avec et sans les doigts ; jouer avec des jeux mettant en place un rythme dans l’espace (bouchons de voiture, château de cubes, collier de perles, …) ; proposer sur papier du travail graphique (collage de gommettes en ligne, tracés verticaux à la peinture à doigt, …). Toutes ces activités sont, selon elles, encadrées de règles, c’est une méthode qu’elle a développé.

Pour ma part, je ne vais pas appliquer une méthode à la lettre car nous ne sommes pas à l’école, mais plutôt l’adapter au contexte de notre vie. Keyo a été scolarisé jusqu’à la rentrée de Grande Section et les mauvaises habitudes sont là (liées ou non au système scolaire, je ne saurai jamais). Alors, je ne dirai pas qu’il y a tout à refaire mais il y a beaucoup à retravailler : la position du bras, la tenue du stylo, le sens des tracés, la forme des lettres (il écrit en bâton plutôt qu’en cursif). Par ailleurs, je suis convaincue que par le jeu libre, les enfants ont déjà intégré des prédispositions sur le rythme et la linéarité des mots. Enfin, sans rentrer dans des termes techniques, je trouve cela assez illogique de vouloir à tout prix enseigner une écriture bâton pour la “désenseigner” en CP afin de la remplacer par l’écriture cursive. Il est vrai que l’écriture cursive présente de nombreux atouts : elle est esthétique et favorise l’écriture rapide étant donné que les lettres sont toutes liées entre elles. Je vous renvois au site de Danièle Dumont qui expliquera beaucoup mieux que moi en quoi cette écriture à tout intérêt à être enseignée.

Au cours de nos différentes activités, j’apporterai d’autres précisions mais pour aujourd’hui je souhaite me concentrer sur les avantages de la peinture à doigt. Au-delà de l’activité ludique et créative qu’elle représente, Danièle Dumont la conseille dans la préparation à l’écriture lorsqu’elle consiste à faire des traits verticaux descendants. En effet, cela permet de positionner correctement la main et préparer à la tenue du stylo. “La position adéquate de la main étant celle qui libère les doigts pour leur autoriser le maximum de mobilité et qui suscite les muscles uniquement pour assurer leur fonction de production de gestes graphiques.”

Avec la peinture à doigt, l’enfant utilise son index et place son poignet sur la feuille. Au fur et à mesure des traits verticaux, il faut faire attention à ce que le poignet reste bien en contact avec la feuille sans se soulever et que les muscles de la main se concentre sur le geste (Keyo n’est pas encore complètement relâché, il tend ses autres doigts). On peut proposer à l’enfant de dessiner les jambes des animaux, la pluie qui tombe, les barreaux d’une cage, les troncs d’arbre d’une forêt, …). On varie les exercices et on les répète régulièrement jusqu’à ce que la position de la main soit acquise et le geste souple. On pratique également d’autres activités sans stylo comme cité plus haut (jeux, comptines, ombres chinoises, …).

En complément du livre de Danièle Dumont, j’ai acheté les trois petits livrets de progression normalement proposés en maternelle. J’ai préféré repartir à zéro avant de poursuivre sur ceux adaptés au CP/CE1. Il s’agit aussi pour nous d’avoir un suivi et des supports à montrer lors de l’inspection. Par ailleurs, je pense proposer à Keyo d’autres activités complémentaires comme les plateaux de sable Montessori et quand on passera au stylo, à l’écriture au calame sur plaques d’argile. Enfin, pour le moment, chaque chose en son temps !

Je tiens à préciser que je ne suis pas une stressée de l’écriture ni de la tenue du stylo. Je crois tout à fait aux apprentissages autonomes en terme d’écriture et au fur et à mesure de la vie, nous tendons tous à personnaliser notre écriture. J’ai choisi de prendre ce “problème” à cœur car j’ai senti que Keyo en avait besoin, qu’il n’était pas à l’aise avec ses mains et que c’est un problème pour lui quand il doit y faire face. C’est donc pour nous l’occasion de décoincer des petites choses et prendre confiance et plaisir dans nos capacités. D’autant plus que l’activité de la peinture à doigt a été vraiment super intéressante pour Keyo comme pour Oléia. Nous avons passé un long moment à nous amuser tout en pensant de temps en temps à travailler sur les traits verticaux. Une matinée créative à faire des devinettes, dessiner des animaux puis faire un peu de pluie pour arroser le tout.