Dans notre quotidien des dernières semaines, si ce n’est des derniers mois, je ne me souviens pas avoir passé une soirée comme celle-ci. Hier soir, j’ai eu la sensation d’être dans une bulle de silence et de tranquillité avec les enfants comme l’image parfaite que nous pouvons avoir d’une douce soirée au coin du feu dans une jolie maison en bois perdue dans la forêt. Chez nous, il n’y a ni la forêt, ni la maison en bois, ni la cheminée. Et pourtant, en fermant les yeux, on y aurait presque cru.

Ces derniers temps, nous vivons complètement avec les écrans. Télévision, jeux vidéos, ordinateur ont fait un retour en force après les fêtes de fin d’année. Je ne sais pas si c’est lié à la fatigue ou simplement à un besoin mais ils font partie de notre vie au quotidien. Alors que nous avions un seul ordinateur portable en 2016 et depuis toujours même, voilà que depuis janvier, deux autres ordinateurs et une console de jeux ont débarqué à la maison. J’ai moi-même beaucoup envie de jouer à des jeux sur ordinateur (les Sim’s, Age of Empire, …) et je ne sais pas vraiment expliquer pourquoi. Est-ce qu’il me manque quelque chose dans ma vie que j’ai besoin de combler ou est-ce juste un besoin pour passer une étape quelconque ? Je suis incapable de le dire.

Keyo joue beaucoup à des jeux sur ordinateur et sur la console, plusieurs heures chaque jour. Là encore, j’ai beaucoup de mal avec un lâcher prise complet bien que mon avis sur la question des écrans a beaucoup évolué depuis quelques mois. Je pense, en effet, qu’ils peuvent apporter quelque chose de positif à l’enfant. J’ai toujours été à l’écoute des demandes de Keyo de pouvoir regarder les dessins animés et jouer sur l’ordinateur mais j’ai d’abord choisi d’y répondre en lui proposant d’autres activités et des sorties. Finalement, peu à peu nous avons instauré des règles concernant la télévision qui lui permettent de regarder des dessins animés les matinées du week-end. Ensuite, en ce qui concerne les films en semaine, c’est ensemble que nous les regardons pour pouvoir les commenter et partager un moment en famille. Puis est arrivée la console.

Pourquoi j’ai cédé à cette console (je dis “je” parce-que mon mari voulait également de cette console, j’étais la seule adversaire dans cette histoire) ? Pendant plusieurs années, j’ai refusé la présence d’une console à la maison à cause de l’addiction qu’elle entraine et de la négligence familiale qui en découle. J’ai eu très peur que les jeux vidéos désagrègent le lien familial et nous empêchent de vivre. Malgré tout, j’ai toujours été sceptique sur les interdictions des écrans et la morale qui les accompagnait. Les écrans semblent être à l’origine de tous les maux des enfants aujourd’hui : hyperactivité, insolence, violence, … Mais n’y a-t-il pas d’autres facteurs ? Si les enfants sont si obsédés par les écrans, peut-on se demander réellement pourquoi ? Est-ce nécessaire à leur vie, pour leurs apprentissages, est-ce un moyen pour eux de tester certaines compétences, de se challenger, de rencontrer d’autres joueurs, de créer et d’inventer des mondes ? Tout cela me semble plutôt positif. Par contre, s’ils jouent pour fuir le réel alors le problème ne vient pas des jeux vidéos mais du réel, et c’est alors dans le réel qu’il faut explorer des solutions.

Les neveux de mon mari passent beaucoup de temps devant les écrans et pourtant ce sont des enfants joyeux, très créatifs, ils sont tournés vers les autres, s’expriment très bien, … Pour moi, ils ont toujours été les parfaits contre-exemples de ces stigmatisations faites sur le dos des enfants qui regardent “trop” les écrans. Pour Peter Gray, chercheur et psychologue américain, les jeux vidéos présentent de nombreux bienfaits. A partir du moment où l’enfant a une vie équilibrée et heureuse, les écrans, s’ils l’intéressent, sont une source positive pour lui. J’ai également le témoignage d’une maman non-scolarisante qui me vient à l’esprit. Elle me racontait qu’elle passait ses journées entières devant la télévision lorsqu’elle était petite puis en grandissant elle a commencé à s’intéresser à d’autres choses, maintenant elle est devenue une grande lectrice et elle adore peindre. Puis moi aussi lorsque j’étais petite, j’ai le souvenir de matins télé, de jeux vidéos sur l’ordinateur, sur la console, et j’adorais cela ! A côté, j’avais une vie pleine de moments agréables en famille, entre amis, … à la maison ou ailleurs. Alors tout cela me questionne beaucoup. Malgré tout, j’éprouve encore de la culpabilité lorsque Keyo entame sa troisième heure de jeu consécutive mais parallèlement, je relativise, nous faisons beaucoup de sorties à côté, des activités manuelles, nous rencontrons des copains, … et finalement nous passons des soirées douces et tranquilles au cours de laquelle les enfants passent 1h à fabriquer des objets en argile et moi à lire, près d’eux, sur ma chaise à bascule comme hier (il ne manque que la cheminée je vous dis !). De plus, je ne sais pas si c’est lié ou non à la pratique des jeux vidéos mais Keyo a passé une étape importante en lecture, il prononce les sons (et non plus les lettres) et donc lit de mieux en mieux, tous les mots qui passent devant lui, sans qu’on lui demande de les lire, il les lit seul, pour son plaisir, il les décode. Il est également plus créatif, invente mille histoires et cela est peut-être la conséquence de nos lectures assidues de contes chaque soir. En tout cas, j’assiste à l’éclosion de la magie du unschooling : tout vient à point à qui sait attendre ! C’est si formidable d’être à l’avant poste de tout cela.

Il est vrai que des soirées comme celles d’hier font du bien, elles amènent autre chose d’essentiel dans notre quotidien. Nous sommes là tous les trois, à nos occupations, tout en étant en lien par notre présence mutuelle, nous parlons ensemble, rions ensemble avec ce silence en arrière plan qui procure à mes oreilles un véritable sentiment de bien-être ! Nous passons peu de soirées comme celles-ci ces derniers temps et surtout à cause de moi, car c’est bien moi qui allume la télévision le soir alors qu’il n’y a pas si longtemps encore j’avais en horreur ces soirées plateaux repas devant “Scènes de ménage” ^^. J’aime notre manière de vivre pour tout ce que je viens de vous raconter dans cet article, pour ces remises en question permanentes, ces découvertes d’auteurs qui ne pensent pas comme tout le monde, pour ces soirées où l’on ne regarde pas l’heure (- “maman je peux faire de l’argile ?” – “Mais il est 21h chéri. Ok vas-y !”), pour ces lendemains où l’on se lève quand on veut et qu’on vit notre journée comme elle vient. Ce rythme est impensable et impossible lorsqu’on travaille, je l’ai vécu, je le sais bien.

Je vous envoie un peu de la douceur de notre soirée d’hier et vous dis à bientôt !