
La première année de votre bébé s’est plutôt bien passé, vous aviez un petit ange docile qui écoutait à peu près tout ce que vous lui disiez, il était si mignon, il ne marchait pas encore, il mangeait ce qu’on lui servait, il découvrait le monde avec ses jolis yeux et vous caressait le visage avec ses petites mains douces. Oui, il était trop mignon, c’était un enfant bien élevé qui s’est éveillé au monde de la meilleure manière qui soit. Il avait déjà son petit caractère mais ça nous faisait rire la plupart du temps. Puis on s’est approché petit à petit des 2 ans et vous vous êtes dit “Je crois qu’il a pris un peu trop la confiance là”. Les petits pleurs mignons (tout est relatif, on est d’accord) se sont transformés en hurlement et le “non” s’est imposé à tout. Lui qui était si généreux et partageur est devenu un véritable petit égoïste. Si gentil au supermarché, il a commencé à faire des “caprices” pour obtenir des chips. Bref, votre petite merveille est devenu “relou”. Bienvenue dans la période terrible (mais surtout sensible) des 2 ans !!!
Le passage où on culpabilise
Je me souviens de Keyo quand il était petit, c’était tellement différent d’aujourd’hui avec ma fille. Avec le recul, je prends conscience que j’ai fais beaucoup d’erreurs avec lui par méconnaissance de la construction de l’enfant et surtout de ces étapes si sensibles entre la naissance et 5 ans environ. On m’a toujours parlé de caprices et de manipulations mais ces termes m’ont toujours un peu gênée, sans que je sache vraiment pourquoi. Keyo est allé chez des assistantes maternelles très gentilles mais dures aussi finalement. J’en prends conscience maintenant que j’en sais un peu plus sur l’enfance. Aucune ne m’a jamais parlé de bienveillance, d’éducation positive, du cerveau de l’enfant… Keyo s’est pris quelques petites tapes sur les mains quand il n’obéissait pas, je me souviens que c’était une des nounous qui me disait de faire cela, et finalement tout le monde le faisait, c’était normal et ça l’est encore aujourd’hui même si j’ai l’impression que ça évolue un peu (ou alors c’est moi qui est évolué), personne ne remettait en cause ce comportement d’adulte. Il est allé au coin, il a été puni, il a même pris 2 ou 3 fessées, … Oui je me confesse sur cette violence ordinaire sur laquelle j’ai tellement culpabilisée et sur laquelle je culpabilise toujours parce-que je sais que lorsqu’on devient violent, on n’est plus vraiment soi-même. Si j’avais su ce que je sais sur l’enfant aujourd’hui, j’aurai sûrement géré les choses autrement.
Alors doit-on culpabiliser ? Au fond, oui, je crois que c’est un signal d’alerte qui signifie que ce qu’on fait ne nous convient pas. Est-ce que ce sentiment doit nous ratatiner ? Non, il doit nous aider à nous dépasser. Il doit nous dire “ok, ça ne va pas, il y a un problème, maintenant travaillons à trouver une solution”. Il doit transformer un état de tristesse en une énergie positive. Les mamans sont tellement culpabilisées aujourd’hui. Dès que le nouveau né sort de notre corps, on nous balance des conseils tous azimuts : allaite c’est mieux pour ton bébé, n’allaite pas sinon t’auras plus de vie, le cododo c’est meilleur pour sa santé, ne le prend pas trop dans les bras, tiens le comme ceci, ne lui parle pas comme cela, soit ferme, ne revient pas sur ce que tu as dit, fais ci, fais ça, … blablabla ! L’être humain a besoin d’apprendre seul pour apprendre vraiment, il a besoin de faire des erreurs pour se construire. Cela vaut pour tous les domaines, même la maternité. Alors surtout ne voyez pas une once de morale dans cet article. Je suis une mère imparfaite avec mes névroses. J’ai appris de mes erreurs et j’apprends toujours de mes erreurs. Avoir deux enfants m’a permis d’évoluer et je souhaite partager ici les choses qui m’ont aidée à changer petit à petit mon regard sur l’enfant et avoir un comportement positif, bienveillant, même dans une période aussi sensible que la petite enfance.
Le passage où l’on tente de comprendre
Globalement chaque âge est traversé par des petites tempêtes émotionnelles qui vont construire l’enfant et plus nous y sommes préparés, mieux nous arriverons à gérer tout ça. On peut dire que la période des deux ans c’est la première tempête qui nous met vraiment dans le bain et nous donne un petit aperçu de ce que l’on va vivre jusqu’à l’adolescence. Avec Keyo, nous sommes partis sur de mauvaises bases, il m’a appris mon métier de maman, j’ai fais plus d’erreurs comme je le disais plus haut. Du coup, je ressens les effets sur notre relation, elle est passionnelle, mais du coup, trop dans l’émotion. Il me faut beaucoup de calme et de patience avec lui, d’autant plus qu’il grandit et les tempêtes sont beaucoup plus fortes. Je crois que la première chose à faire, en tant que parent, c’est de ne pas se positionner en tant que victime, comme si l’enfant agissait contre nous (“il m’a fait ci ou ça”). On a vite tendance à s’apitoyer sur notre sort, à penser que l’enfant agit contre nous, qu’il nous manipule, qu’il nous fait des caprices, qu’il nous met le bazar,… Mais on agit là comme des enfants, c’est-à-dire avec nos émotions, et non plus avec raison.
Mais revenons plus précisément à cette période des deux ans dans laquelle ma fille est entrée depuis quelques mois. Pour commencer, il me semble très important de savoir que le cerveau de l’enfant est très immature jusqu’à 6-7 ans et, de ce fait, il ne sait gérer qu’une émotion à la fois et de manière très extrême. Là où nous, en tant qu’adulte, nous avons la capacité de réfléchir, de prendre en compte certains paramètres pour faire redescendre la pression, l’enfant en est juste incapable. Ce n’est pas possible pour lui, son cerveau n’est pas prêt. C’est comme si l’on vous demandait de respirer alors que vous n’avez pas de poumons, impossible ! Crier sur l’enfant, considérer qu’il fait des caprices, se navrer qu’il réagisse d’une certaine manière, c’est une perte d’énergie pour l’adulte qui ne comprend plus son enfant et ne sait plus comment réagir autrement que par la menace, la punition, les cris… Pour ma part, je trouve qu’avoir une relation conflictuelle avec son enfant c’est usant et insensé. Certaines mamans en viennent même à se demander si elles aiment leur enfant et certaines vont jusqu’au burn out. Ce pétage de plomb arrive plus vite qu’on ne le pense car être maman c’est dur, la violence éducative ordinaire (à ce sujet il y a ce livre : “Pour une enfance heureuse” de Catherine Gueguen) est un engrenage dont il est dur de se sortir.
Nooon !
Bébé a grandit, il a compris qu’il ne formait plus une seule personne avec sa mère, il a pris de l’indépendance en apprenant à marcher et l’adulte devient un peu encombrant, il l’empêche de découvrir le monde comme il l’entend, il l’empêche de monter sur cela, de manger comme ceci, de toucher à ce truc, … L’adulte est un obstacle qui, ô malheur, se place toujours entre lui et l’objet du désir. L’affrontement est inévitable à un moment ou à un autre. Autour de deux ans, l’enfant a besoin de s’affirmer, il dit “non” très très très souvent (et de manière désagréable en plus…). S’affirmer sous-entend plusieurs choses : l’enfant a besoin de connaître les règles et être plus autonome. Avec Oléia, j’ai développé un petit jeu très simple pour qu’elle puisse comprendre les limites : on dit “oui” quand c’est bon et on dit “non” quand ça va pas. Par exemple, mettre les pieds sur la table “noooon” (en faisant une tête bien débile et en fronçant les sourcils), mettre les pieds par terre “ouiiii” (nouvelle tête débile mais souriante cette fois). On peut jouer à ce jeu pendant très longtemps avec plein d’objets dans la maison et ça évite de multiples confrontations. Les enfants ne sont pas des poupées que l’on place et déplace à notre guise, la communication est très importante et nous aurons beaucoup plus de facilités à dialoguer avec notre enfant si nous lui parlons depuis sa naissance. A chacun de trouver ce qui fonctionne avec son enfant, généralement de lui-même il amènera le jeu, il convient d’être très observateur et à l’écoute, ce qui n’est pas toujours facile.
La possession
Posséder est une étape logique avant le partage. Autour de deux ans, l’enfant ne veut plus rien prêter, ce sont ses jouets et il devient très triste si quelqu’un les lui prend. Encore une fois, c’est normal. Et nous devons laisser à l’enfant le temps d’apprendre à posséder avant d’apprendre à partager. Il ne veut pas prêter son camion au parc, tant pis, en tant que parent nous expliquons gentiment à l’autre enfant, qu’il adore son jouet et qu’il n’est pas encore prêt à le prêter. Ce besoin de partage est très important chez l’adulte car il y a une sorte de pression sociale autour de la générosité ce qui crée un grand malaise lorsque l’enfant passe par cette étape. J’entends souvent des parents dire “mon enfant ne prête rien, c’est un égoïste” ou alors ils forcent l’enfant à prêter son jouet et ça finit en hurlements. Franchement, est-ce vraiment nécessaire quand on sait qu’il suffit d’être un peu patient pour que l’enfant retrouve sa générosité naturelle ? Il s’agit aussi pour l’enfant de reconnaître la possession des autres : ce téléphone est à papa, les chaussettes de Keyo, le peignoir de maman, … Si quelqu’un prend l’objet d’un autre, Oléia, en bon petit sergent va siffler le “voleur”, elle peut se mettre très en colère. Ce qui la calme c’est d’aller dans son sens, de lui dire “oui ça c’est à toi tu as raison”, “oui ça c’est à moi tu as raison”, … et lui expliquer qu’on a décidé de prêter notre objet à l’autre. Encore une fois, parler est très important et efficace.
Le besoin de faire seul
Le besoin d’autonomie est présent dès le début de la vie et plus on favorise ce besoin, plus on va s’épargner de grosses crises de larmes. En tant que parent, nous accompagnons l’enfant dans son besoin de faire seul. Nous devons l’observer et trouver des solutions dès qu’on s’aperçoit qu’il est limité pour lui permettre d’être plus autonome. Nous devons aussi le laisser expérimenter, toucher à tout (dans la limite de sa sécurité), lui permettre de nous aider au quotidien (l’enfant de deux ans adore mettre la table, accrocher le linge, passer un coup d’éponge… profitons-en, cela ne dure pas longtemps). On ne peut pas attendre de lui que son exécution soit parfaite mais on peut l’encourager au quotidien à perfectionner ses gestes en lui montrant de nombreuses fois, en lui laissant la possibilité de salir, casser, … et recommencer malgré tout. Il me semble indispensable, lorsqu’on a des enfants, de réorganiser sa maison pour favoriser ce besoin d’autonomie (petite table, petite chaise, marche-pieds, couverts et assiettes accessibles pour que l’enfant puisse mettre la table, mettre les choses précieuses et dangereuses en hauteur, …).
Le besoin d’ordre
Chaque chose à sa place. Encore une facette de la personnalité de l’enfant que j’ai apprise grâce à Maria Montessori. Autour de deux ans, l’enfant a besoin que les choses soient rangées à leur place, les rideaux tirés de chaque côté, le lit fait, … ce sont quelques exemples de chez nous mais je suis sûre que vous pouvez en trouver d’autres. L’enfant a des habitudes et il est sensible au changement, respecter un certain ordre c’est lui donner des repères spatio-temporels qui vont le rassurer au quotidien.
Frustré du langage
La plupart des enfants ne savent pas encore parler à cet âge, ils disent quelques mots et s’expriment beaucoup par des gestes et des mimiques. En cas de colère ou de déception, oui l’enfant peut taper. Alors nous pouvons prendre ça très mal ou juste réagir avec raison et nous dire, c’est un enfant déçu, énervé, … ok je comprends sa colère et je lui explique calmement que taper ça fait mal, qu’on ne tape pas. Répondre en tapant sur la main de l’enfant ou en lui mettant une fessée, ou en le mettant au coin, c’est ne pas écouter son mal-être et entrer dans cet engrenage dont je parlais plus haut.
Reconnaître les émotions
Ce qui fonctionne le mieux avec mes deux enfants et avec tous les enfants que je croise, c’est le fait de reconnaître leurs émotions. Il faut de la patience pour cela, on est d’accord. De toute façon, il faut de la patience pour tout ce que je vous raconte dans cet article. Être parent c’est dur car il faut d’abord jongler avec nos émotions pour répondre à celles de nos enfants. Lorsqu’un enfant pleure ou se met en colère pour n’importe quelle raison, on peut lui dire “tu m’énerves, arrête de pleurer, va dans ta chambre et reviens quand tu seras calmer” ou on peut être là, près de lui, calme et lui parler sans jugements, en reconnaissant ses émotions tout simplement (tu es en colère parce-que tu n’as pas eu cela ? Tu es fâché contre moi pour telle ou telle raison ?). Ce n’est pas toujours facile mais vraiment ça vaut la peine de se parler plutôt que de se rejeter. Adulte, nous attendons la même attitude de notre entourage lorsque nous vivons une émotion forte, nous attendons de notre conjoint, de nos amis, de notre famille, qu’ils soient là sans nous juger. C’est cette attitude qui peut renforcer ou désagréger une relation.
Se préparer à dire oui quand l’enfant dit non
Dire oui c’est parfois un effort. Et pourtant c’est tellement mieux quand tout le monde dit “oui”. Lorsqu’un enfant fait quelque chose ou demande quelque chose, avant de réagir impulsivement, on peut se demander si c’est irrespectueux pour quelqu’un, si la réponse est “non” alors répondons oui !
Un grand besoin d’amour
Les enfants sont des éponges. Aimons-les, embrassons-les, câlinons-les autant que possible, même s’ils ont mauvais caractère, même s’ils viennent de nous taper par mécontentement, … Ils ont besoin de démonstrations affectives, ils ont besoin de savoir que nous serons toujours là pour eux, à les aimer quoi qu’il arrive. Ils ont besoin de notre présence pour jouer, pour rire, … avec eux. L’amour est la seule vraie réponse, n’oublions pas d’aimer nos enfants plus que tout, comme lorsqu’ils étaient les petits anges qu’ils sont toujours au fond ^^. Je crois qu’en chacun de nous, il y a cette volonté de nous lier à nos enfants de la meilleure manière qui soit, d’avoir une relation de confiance.
Je suis consciente qu’être calme, patient et à l’écoute ce n’est pas toujours facile au quotidien. On est vite rattrapé par le stress, le manque de sommeil, … et aussi par l’éducation qu’on a reçu, celle que notre conjoint a reçu. Il faut jongler avec tout cela. Chez moi aussi, il y a des jours avec et des jours sans. Être bienveillant c’est trouver le juste équilibre entre nous et les autres. On a le droit d’être en colère et de mauvaise humeur, on est humain avant tout, mais nos enfants aussi ont le droit d’avoir des émotions. Je suis convaincue que ce qui résout tout, aujourd’hui, c’est de parler et être vrai avec ses enfants. Parent c’est un métier comme un autre, ça s’apprend.
Mes lectures indispensables :
“Libres enfants de Summerhill” d’As Neill
“Les étapes majeures de l’enfance” de Françoise Dolto
“L’enfant” de Maria Montessori