Ecrire est un acte thérapeutique pour moi. Après une année sous un stress de dingue, j’attendais ce moment avec impatience. Le moment où toute cette année de folie serait derrière nous.

Ces derniers temps, si vous m’aviez croisé par hasard et qu’on s’était mis à parler « école à la maison », je n’aurais pas su vous convaincre. Vous convaincre que c’est un choix génial qui permet d’être libre et de vivre à notre rythme. Je n’aurais pas pu vous dire cela. J’aurais pu vous dire, par contre, que l’école à la maison demande de la force et du courage, que c’est une vie fatigante, soumise à un stress intense, qu’à 2h du mat’ vous serez entrain de faire des recherches pour rendre la grammaire agréable et compréhensible, que parfois il faut savoir se battre, préparer des grands dossiers pédagogiques, retenir tout un tas de lois qui nous défendent encore bien mais qui ne sont pas respectés… Cette année, vous m’auriez rencontré, vous n’auriez pas eu envie de faire l’école à la maison.

En octobre 2018, nous avons eu le premier rendez-vous fixé avec l’inspecteur. Il se déroulerait le 7 décembre. J’étais cool car on les avait vu l’année dernière et que ça c’était bien passé. Et en plus, on avait réussi à intégrer du formel un peu tous les jours en les mélangeant avec notre routine inspiré de la pédagogie Steiner. Bref, j’étais sereine. Trop. Pourtant, j’avais préparé l’entretien. Mais le jour J, j’ai été débordée par toutes les choses qui étaient pointées du doigt comme insuffisantes. L’inspecteur était venu avec des attentes de fin de cycle 2 et il fallait que Keyo ait atteint ce palier. J’ai été désemparée. Désemparée par la succession de petites choses qui, mises bout à bout, ont conduit l’inspecteur à nous annoncer à la fin de l’entretien que c’était insuffisant et qu’il fallait programmer un autre rendez vous.

Les petites choses ? Keyo ayant fait ses exercices seul dans sa chambre avec la conseillère pédagogique, Keyo ayant fêté son anniversaire 2 jours avant et qui n’a, soit pas compris les consignes, soit pensait à autre chose, la conseillère pédagogique qui n’a pas regardé une seule page d’un cahier afin de s’adapter, la conseillère pédagogique qui est venu avec des tests (ceux qui permettent de situer les enfants sur un niveau de classe lorsqu’ils doivent être scolarisés) ce qui est hors la loi, un inspecteur qui n’a rien regardé non plus, qui n’a pas cherché à vérifier la progression, l’inspecteur qui avait des attentes de résultats, et moi, moi qui n’avais rien prévu de tout cela, moi qui pensais que ce n’était pas ce genre d’inspecteurs, moi qui pensais qu’ils nous connaissaient, moi qui pensais qu’on pouvait leur faire confiance. Erreur !

Le 7 décembre nous connaissions donc la date de notre prochaine inspection : le 10 mai. J’ai d’abord été hyper en colère, mélange de déception et de révolte de ne pas avoir été respectée et de ne pas avoir assuré. J’ai culpabilisé, j’ai déprimé. Bref, je suis passée par tout un tas d’états. Au début, j’étais décidée à reprendre le unschooling pur tout en étant dans l’impossibilité totale de lâcher la grappe à Keyo le matin sur nos temps de travail. Une partie de moi disait « reviens à ce qui vous rend heureux : les apprentissages autonomes » et l’autre disait : « si tu lâches maintenant, il va falloir te battre comme une lionne et risquer une injonction de rescolarisation, es-tu prête pour cela ?« . Je passais de l’un à l’autre, j’ai été une mère complètement instable qui ne savait pas ce qu’elle voulait, partagée entre la peur et l’envie de retourner à notre base, celle qui nous avait poussé à choisir cette vie de homeschoolers.

Puis, en janvier, j’ai commencé à écouter les podcasts de Festin d’idées sur la pédagogie Charlotte Mason. C’est simple, je suis tombée en amour. J’ai été touchée par tout ce qui y était dit. J’ai découvert une pédagogie chaleureuse, vivante et respectueuse. Charlotte Mason m’a sauvé de ce trou sans fond dans lequel je m’enterrais et pour cela, je ne remercierais jamais assez Fannie et Annie, ces deux merveilleuses mamans qui nous traduisent la pédagogie Charlotte Mason en français à travers des épisodes à thèmes. Grâce à elles, j’ai tout modifié. Cela m’a pris un peu de temps mais, une fois engagée dans un processus, j’y vais à fond. J’ai commencé par faire une sorte d’état des lieux sur moi, mes valeurs, sur pourquoi j’aime l’école à la maison, sur mes principes, ce en quoi je crois. Puis j’ai regardé Keyo, attentivement, très attentivement et des connexions se sont faites. Des connexions personnelles qui m’ont encouragé à continuer dans cette voix de la pédagogie Charlotte Mason. J’y ai (re)trouvé de fabuleux outils, d’une simplicité remarquable, tellement vivants, qu’ils nous ont tout de suite plus. Je pense à différentes choses mais par exemple, le fait de minuter chaque matière afin que Keyo puisse avoir un cadre qui lui permette de travailler sur sa concentration et sa rapidité ; ou la grammaire que Mason n’enseignait pas avant 10 ans (tout comme Steiner) à cause de sa trop importante abstraction ; le fait de toujours respecter l’enfant, s’adapter à son rythme, favoriser l’oralité, lui offrir un large éventail de matières, beaucoup de bonnes lectures… Bref ! J’ai décris un peu nos mises en place d’abord ici puis ici (clic).

J’ai remonté un peu la pente, j’ai aussi décidé de ne pas nous laisser faire. Alors, j’ai rédigé un document d’observation accompagné d’une demande d’annulation du second rendez-vous. Lorsque je l’ai envoyé, j’ai ressenti un grand soulagement. Nous avons continué à travailler avec Keyo, sans pressions, juste pour le plaisir, ne nous empêchant pas de faire sauter le travail si une sortie était prévue ou si la fatigue était trop présente. Cette période a été vraiment chouette.

Puis le couperet est tombé : le second contrôle était maintenu. Une simple lettre avec 3 phrases, surement écrites en 5 minutes alors que j’avais passé des semaines sur mon « contre-rapport ». De nouveau, la déception, l’impuissance. J’ai commencé à élaborer des stratégies d’évitement, je cherchais comment repousser ce rendez-vous. J’en faisais des insomnies. Puis je me souviens, une nuit, il devait être 3h du matin. Je me suis réveillée et j’ai ressenti une grande certitude : j’allais faire ce second contrôle et il allait super bien se passer. Au réveil, je n’avais plus autant d’assurance mais lorsque j’ai décidé qu’on allait affronter ce deuxième rendez-vous, j’ai arrêté de faire des insomnies. Choisir en toute conscience m’avait apaisée. Même si le choix était dur, même si ce qui se profilait allait nous mettre mal, j’ai enfin dormi d’une traite.

Deux semaines avant le contrôle, j’ai fais parvenir un dossier pédagogique complet à l’inspecteur, accompagné d’une lettre dans laquelle je faisais un rappel des lois et où j’imposais un peu nos règles (toujours dans le cadre de la loi). Pour réaliser le dossier pédagogique, j’ai fais correspondre le travail de Keyo aux attentes de fin de cycle 2, tout en y mettant des éléments de progression par rapport à l’année dernière et en y dressant une liste du matériel, sorties, cahiers… par domaine de compétences. C’est un gros dossier de 20 pages qui aborde aussi en préambule nos choix éducatifs, la loi et une présentation de Keyo (ses passions, sa façon de travailler, une journée type, on a précisé qu’il allait chez l’orthophoniste et il a ajouté son portrait chinois). Les documents du collectif Lumière sur l’IEF m’ont bien aidée.

A l’approche de la date fatidique, nous nous sommes concentrés sur les maths, le français et une frise historique (aaaah la frise historique on en parle ? Ils adooorent ça). On n’a plus autant varié les sujets comme Mason le préconise, c’était donc plus rébarbatif mais c’était l’assurance d’une progression plus marquée dans ces domaines si chères à l’éducation nationale.

La semaine de l’inspection, je voyais chaque jour avancer comme un pas de plus vers eux. Je crois que j’ai stressé comme à mon oral de L2 en sociologie, soit bien plus qu’au bac. Je n’avais qu’une hâte au fond : qu’ils viennent et que tout soit réglé. Ces 7 mois à penser à l’inspection m’ont épuisée ! Nous avons passé notre année à avoir le poids de leur venue sur les épaules. J’étais sûre de nous, tellement fière des progrès impressionnants de Keyo, mais j’avais peur aussi, peur qu’ils aient mal pris notre « contre-rapport » et nos lettres fixant le cadre du contrôle. Peur qu’ils soient durs, peur qu’ils fassent des choses qui ne nous allaient pas et qu’on se sente pris au piège. La veille de l’inspection, je me suis notée quelques phrases clefs sur les « points faibles » au cas où ils feraient des remarques, histoire que je puisse répondre en étant sûre de moi car j’ai si peu d’énergie que j’en perds mes mots. J’avais peur de bégayer et ne pas savoir nous défendre s’il le fallait. J’ai également revu toutes mes notes et mis tout ce que nous voulions leur montrer sur la table.

Le matin, j’étais réveillée à 5h.  N’arrivant pas à me rendormir, je suis allée prendre un bon et long bain chaud avec des huiles essentielles. J’ai fais une séance de yoga puis j’ai attendu.

9h30 tapante, les voilà arrivés. Tout sourire. Nous aussi. Je suis quelqu’un de souriant et d’accueillant, je propose toujours un thé ou un café. Nous nous sommes assis autour de la table. L’inspecteur m’a confirmé avoir reçu et lu l’ensemble des documents et il m’a dit avoir été surpris par le ton employé. Je lui ai donc expliqué que nous avions mal vécus ce premier contrôle et que ça a été beaucoup de stress pour nous. Après coup et malgré mes explications, je ne crois pas qu’ils prennent la mesure de leur impact psychologique sur nous. Heureusement, mon mari est quelqu’un de très calme et apaisant, il a su me détendre et détendre Keyo que mon stress contaminait peu à peu, lui si joyeux de voir à chaque fois les inspecteurs, ne voulait pas qu’ils viennent.

Détendu par son papa, Keyo a aussi détendu l’atmosphère par ses blagues. Nous avons commencé à revoir point par point le rapport pour l’actualiser. Puis pour chaque domaine, Keyo a eu toute une flopée d’exercices pour vérifier la progression. J’ai encore une fois été déçue par leur manque de considération sur toutes nos productions qu’ils ne regardent pas du tout ! Ce qui compte pour eux, c’est le résultat à leurs exercices. Mais il y avait du mieux par rapport à la dernière fois alors j’ai laissé faire en restant sur mes gardes tout de même. Les exercices demandés par l’inspecteur étaient accessibles à Keyo donc tout allait bien. 1h30 d’exercices plus tard, on voit enfin la fin de cet entretien arrivé. C’est long, Keyo ne tient plus en place et commence à dire n’importe quoi.

Toutefois, je retiens quelques réponses de Keyo qui m’ont bien fait rire. L’inspecteur lui montre la carte de la France et lui demande s’il reconnait le pays. Keyo les yeux étonnés répond « Mais quelle question bizarre, c’est la France bien sûr !« . Et à un autre moment, l’inspecteur demande à Keyo quelques multiplications. La table de 4, de 5… tout est ok, Keyo les connait. Puis il lui demande 7×8 et là Keyo dit « Ohlala mais t’abuses là ! » On a tous explosé de rire, même l’inspecteur.

Il est 11h, après un tour dans la chambre de Keyo pour voir les mantes religieuses, voilà l’inspecteur et la conseillère pédagogique qui s’en vont après avoir remarqué les grands progrès de Keyo. Nous sommes soulagés. Ce n’est pas l’inspection dont on rêve mais comparé à celle de décembre, tout s’est bien passé !

De cette expérience, je retiens les choses suivantes :

  • toujours envoyer un dossier pédagogique et une lettre fixant les règles du contrôle à l’inspecteur avant le contrôle. Surtout, si vous ne suivez pas les programmes et que vos enfants ne sont pas en avance, ou que vous utilisez une pédagogie différente. Je pense que ça leur permet de mieux se préparer et nous ça nous permet aussi de faire un point sur toutes les choses qu’on a faite. Ça remplit d’assurance et de fierté. Si les inspecteurs ne semblent pas avoir lus le dossier, c’est l’occasion de le lire avec eux le jour J.
  • je pense que l’envoi des documents leur met aussi un peu la pression et leur montre qu’on est sûr de nous. J’avais peur qu’ils aient mal pris nos lettres mais finalement ça nous a permis de discuter un peu et poser des limites.
  • un échec permet de se remettre en question et de se trouver un peu plus.
  • je pense que cette expérience me donnera plus d’assurance pour les prochaines fois. Tous nos documents sont des bases prêtes à être adaptées aux attentes de fin de cycles et à la progression mais je n’y passerai plus des semaines comme ça a été le cas cette année.

Nous allons nous octroyer une semaine de pause et nous retrouverons la douceur et la joie d’apprendre à la Charlotte Mason. Travailler selon ses idées a permis d’apporter un peu de structure à notre famille, de la joie de vivre et tout un tas d’idées qui nourrissent notre quotidien.

J’espère que ce témoignage pourra aider d’autres personnes qui passent par cette étape. Si jamais vous avez besoin d’aide pour rédiger les documents que j’ai cité, n’hésitez pas à m’envoyer un message !

A bientôt,

Maeva