J’ai eu la chance de visiter l’école Steiner de Verrières (91) pour le plus grand plaisir de nos yeux. Cette journée m’a donné pas mal à réfléchir sur ma conception de la liberté (encore une fois), sur ce qu’il est nécessaire aux enfants en fonction de leur âge et du coup des aménagements que j’aimerais faire chez nous, dans nos vies.
Pour commencer, je vais d’abord vous faire une petite visite guidée de cette école qui accueille les enfants de deux ans et demi à 18 ans.
Les jardins d’enfants
Jusqu’à 6 ans révolus, les enfants vont au jardin d’enfants. Il y en a trois dans cette école Steiner. A l’entrée de chaque jardin, il y a des petits casiers et des petits porte-manteaux. Oléia a ôté ses chaussures lors des trois visites. Normalement, ils chaussent ensuite leurs chaussons, elle a regretté les avoir oublié à la maison. Elle était comme un poisson dans l’eau. En même temps, tout y est si instinctif. Nous entrons ensuite dans la pièce, chacune était un peu différente avec son ambiance propre même si on retrouvait les mêmes espaces :
- la cuisine où les enfants préparent le repas, mettent la table, mangent, débarrassent et font la vaisselle ;
- un espace dinette,
- un espace poupées,
- une maison de poupées,
- un établi et des outils : ces espaces répondent au besoin de l’enfant de s’approprier les gestes du quotidien, lui qui grandit en imitant durant cette phase ;
- jeux de constructions divers avec des tas de bouts de bois de différentes formes et de différents poids : le jeu libre est dominant dans cette pédagogie. Les enfants transforment les paniers d’osier en bateau, les bâtons en cheval, les « barrières Waldorf » en cabane… L’enfant est un être de mouvement ;
- des activités créatives, musicales et manuelles (peinture à l’aquarelle diluée, pâte à modeler de cire, blocs de cire, tricot, laine vierge pour cardage) : toutes ces activités manuelles forgent la capacité de concentration, de dextérité, la volonté de l’enfant à aller au bout d’un projet. Par exemple, la personne qui nous faisait visiter me disait que pour se servir de la pâte à modeler en cire il fallait la faire chauffer entre les mains, c’est dur, les enfants la réchauffent près du radiateur, bref ils doivent fournir un effort important ;
- un coin pour la sieste trop trop mignon avec des petits lits en bois empilés les uns sur les autres et des petits rideaux : pendant ce temps, la jardinière fait la lecture et/ou tricote, elle reste avec les enfants sur sa chaise à bascule ;
- une table des saisons qui va évoluer toute l’année ;
- un extérieur dédié avec des jeux en bois.
Chez Steiner, le rythme est également important. A chaque jour, ses rituels et sa mission qui vont aider l’enfant à se construire.
La pédagogie de Rudolf Steiner se construit autour du développement physique, intellectuel et spirituel de l’enfant dont l’évolution de la dentition est l’expression. Les enfants restent normalement au jardin d’enfants jusqu’à la chute de leur première dent (entre 6 et 7 ans en général). Ensuite, ils entrent en 1ère classe avec un professeur qui les suivra 6 ans.
La primaire, le collège et le lycée
A partir de la première dent tombée, on considère que les organes ont fini d’être formés et que l’enfant est apte à entrer dans l’abstraction. On ne démarre qu’à ce moment-là l’apprentissage des matières académiques tout en laissant énormément de place aux arts et à la pratique sensorielle. L’enfant a besoin de nouveaux rituels de travail, d’une figure d’autorité qu’il admire, d’un cadre plus important « sinon il pousse n’importe comment. » me disait la professeure qui nous faisait visiter l’école. « L’enfant est comme un arbre, si on veut qu’il pousse bien droit, bien haut, qu’il soit beau, il faut l’aider à se canaliser pendant toute la période des chutes de dents de lait, soit de 7 à 13 ans environ. »
S’en est suivi un long débat intérieur sur la liberté. Moi qui suis fervente du unschooling, des apprentissages libres et autonomes, cela m’a un peu bousculé car j’observe aussi qu’un cadre et des rituels bien posés nous rend plus apaisé. Chez Steiner, ce cadre plus strict à ce moment-là est synonyme de grand sentiment de liberté pour plus tard. Mais le modèle d’autorité est très important. Ce n’est pas une autorité bête et méchante, mais rassurante et intelligente. Ces notions sont toujours tellement floues à percevoir. A partir de quand tombe-t-on dans l’une ou l’autre ? C’est souvent la question que je me pose.
Depuis quelques semaines, je ressens le besoin de retrouver des activités qui me passionnent et je pense que c’est là que se crée ce « sentiment d’admiration ». Voir un adulte libre, qui s’investit dans les choses qu’il aime, c’est important.
Pour revenir à ma visite guidée, nous sommes ensuite rentrés dans un bâtiment magnifique, digne de Harry Potter. De toute façon c’est assez simple, quand on passe le portail, on a tout de suite l’impression d’entrer dans un univers magique. Il y a ce grand manoir dans le fond, c’est arbres immenses, cet épouvantail et les poules, les jeux en bois, la forêt dans le fond (avec des biches qui passent de temps en temps apparemment).
Dans la maison principale, j’ai cru comprendre qu’il y avait les classes qui correspondent du CE2 à la Terminale, le CP et CE1 se trouvant dans des petites maisons adjacentes. On a visité quelques salles dans lesquelles chaque thème abordé est illustré par un grand dessin à la craie qui recouvre tout le tableau. Les professeurs y passent 3h de leur samedi à chaque fois.
Ces thèmes sont ensuite explorés avec différentes techniques artistiques et manuelles avant d’être consolidés dans les cahiers avec un travail sur l’écriture absolument superbe. J’ai feuilleté des cahiers d’enfants de 9 ans avec une écriture parfaite. On sent vraiment que le beau et le bien fait sont primordiales. Je n’ai pas encore tout compris sur les méthodes de travail. Apparemment, il n’y a pas de manuels, les professeurs font beaucoup de recherches pour explorer un thème. Ils construisent tout. Il faut vraiment avoir une âme d’artiste pour travailler dans ces écoles, aimer le dessin et savoir dessiner.
Nous avons ensuite visité la salle de spectacles digne d’un grand théâtre avec sa scène immense, son estrade en arc, son piano et ses rideaux de deux kilomètres. En partant, nous sommes passés devant d’autres salles : la forge, la menuiserie, la salle informatique… On y a travaille aussi la pierre, la sculpture, il y a un grand potager, un compost et des poules comme je l’ai dit plus tôt. La forêt derrière l’école permet d’y faire des grandes balades. Bref, si je devais choisir une école pour mes enfants, ce serait sûrement celle-là, on en sort transformé.
Et juste avant de partir, nous sommes tombés sur un monsieur qui, bénévolement, fabrique les jeux en bois pour le marché de Noël et pour les jardins d’enfants. Je lui ai raconté mon envie de travailler le bois, c’est une matière qui me donne des frissons tant elle est belle et agréable. Du coup, il m’a proposé de venir dimanche matin pour un atelier ! Oh joie ! C’est un rêve de gosse qui se réalise.
Par ailleurs, moi qui était déjà dans une démarche vers le minimalisme, j’en ressors avec encore plus de convictions. Avoir moins c’est juste nécessaire et tellement plus naturel. L’imagination des enfants explose quand on rentre dans de tels univers, c’est incroyable. J’ai hâte de rentrer chez nous pour pouvoir (encore une fois ^^) tout réaménager, enlever le surplus et organiser les choses comme je l’ai toujours imaginé sans oser sauter le pas, déterminer des espaces pour créer, construire, enlever le plus de plastique possible. Installer un établi, du matériel accessible pour coudre, tricoter, …
J’ai vraiment l’impression de cheminer vers quelque chose qui nous correspond, qui est plus nous. Comme disait Picasso, tous les enfants sont des artistes. Je ne traduits pas ce mot artiste avec la définition qu’on a tendance à lui prêter avec tout le prestige qui l’accompagne, mais au contraire comme quelque chose de simple et présent dans notre nature profonde. L’être humain s’exprime par l’art, c’est à dire le chant, la danse, le dessin, depuis des milliers d’années, dans toutes les civilisations.
Je crois que je n’ai pas encore fini de parler de Steiner sur ce blog, il y aurait encore beaucoup de choses à dire mais je vais m’arrêter là, je poursuivrai une prochaine fois, j’aimerais lire son livre fondateur : « La philosophie de la liberté » qu’on m’a conseillé.
Nous avons fini cette journée par une belle balade dans la forêt de Verrières. Ces forêts fraiches me manquent dans mon sud de pins. Cette terre boueuse, ces différentes espèces d’arbres, cette ambiance froide d’hiver… et tout un tas de cabanes au détour de chemins 🙂
Magnifique, merci !! Juste 2 petites précisions si tu me permets : il y a un 4ème jardin d’enfant que nous n’avons pas visité et les repas sont préparés par une cuisine centrale dans l’école.
Ah oui quatre jardins d’enfants ! Je suis curieuse du coup, chaque jardin étant tellement joli 😊 bon et pour l’histoire de la cuisine je n’ai pas tout compris alors, j’ai pensé qu’ils étaient plus actifs mais tu me diras mettre la table, débarrasser, à leur âge c’est déjà bien, sachant qu’ils font le pain un jour dans la semaine
Joli témoignage…. et Jolie photo d’un grand père heureux. Bisous.
Ouiiiii merci coco 😄
Cette école est absolument magnifique ! Ça ne m’étonnerait pas d’apprendre que les enfants adorent s’y rendre 🙂 Ça me rappelle mon stage dans une école Montessori. Oh elle n’était vraiment pas aussi belle que cette école, mais c’était déjà très accueillant. J’y avais invité l’Enfant, parce qu’il voulait aller à l’école depuis longtemps déjà. Dès qu’il est entré dans le batiment, ses yeux se sont mis à briller. J’imagine sans mal sa réaction en entrant dans une école comme celle-ci. Et tes enfants veulent continuer le unschooling après ça ? ^^
Lol Oléia aurait pu y rester sans s’apercevoir de mon absence. Et si j’avais les 300 euros par mois et par enfant peut-être que j’y réfléchirai à deux fois ^^