Je me souviens encore de cette première nuit à la maternité après la naissance de Keyo. Il est né à 17h53 et entre ce moment et le lendemain matin, je ne l’ai pas beaucoup vu, je ne l’ai pas beaucoup tenu contre moi. Il venait pourtant de pointer le bout de son nez après des mois au chaud, confiné comme il faut. Mais il m’a vite été pris par les infirmières pour lui faire les premiers soins, le baigner, l’habiller, hors de ma vue. Puis après il était trop froid alors ils ont préféré le mettre en couveuse jusqu’au soir. Puis de nouveau, ils l’ont repris pour la nuit. Tout cela est un peu flou dans ma mémoire mais finalement les premières heures, on ne s’est pas beaucoup vu.

Le lendemain matin fut un petit choc pour moi car ils ont ramené son berceau et puis ne sont plus revenus. C’est comme s’ils avaient cassé quelque chose, un lien naturel qui nous reliait encore et qu’ils me le ramenaient l’air de dire « c’est bon vous avez eu une nuit pour récupérer maintenant c’est fini. » Pourtant, la nuit en question fut vraiment horrible. C’est simple, je n’ai pas fermé l’œil car mon bébé me manquait. On m’avait emprunté un poumon pendant quelques heures sous couvert de bienveillance pour mon sommeil alors qu’une infirmière venait dans ma chambre prendre ma température toutes les deux heures (sous prétexte que juste après mon accouchement j’étais à 38°C de fièvre). Je faisais également une bonne crise de sciatique à cause de la péridurale que l’infirmière minimisait. Je me souviens encore de ses mots « mais un accouchement ça fait mal Madame, c’est normal. » Elle refusait de me donner un doliprane. Au bout de quatre heures, me voyant en larmes de douleur, elle accepte de me donner un comprimé. Il doit être 6h du matin et je ferme enfin les yeux jusqu’à ce qu’une infirmière me réveille en tapant sur la porte comme un bourrin 2h plus tard. Quel manque de considération, de respect, de gentillesse. J’ai détesté l’hôpital. Je me suis beaucoup demandée comment on pouvait traiter les gens comme cela. Je n’avais qu’une hâte : fuir (bon, avec mon épisiotomie, je ne serai pas allée bien loin très vite… ^^)!

Le cododo : un choix

Depuis ce matin-là, je n’ai plus quitté mon fils. Je ne le mettais dans son petit lit que si j’en avais vraiment besoin. La nuit, je le gardais contre moi. Je l’allaitais à la demande (et il était très en demande). Le besoin de succion est aussi un moyen de se rassurer pour les bébés, il n’est pas qu’alimentaire. Je comprends maintenant pourquoi il en avait tant besoin. Il en avait été privé quasiment les premières 12h de sa vie après une petite tétée de bienvenue 1h après l’accouchement histoire de mettre en route le schmilblick. Le cododo a commencé donc naturellement à notre deuxième nuit. Et a duré plusieurs mois. C’était une évidence pour moi, aussi naturel que respirer. Je ne me suis pas posée de questions, tout comme pour l’allaitement. J’ai eu quelques mises en garde : c’est dangereux, ton bébé va trop s’habituer, … Dans la plupart des cultures, les enfants dorment avec leurs parents, au moins la première année. Tous les mammifères dorment avec leurs bébés contre eux. Il n’y a que dans nos pays occidentaux que l’on nous rabâche à longueur de temps qu’il ne faut pas trop tenir son bébé, que notre bébé nous manipule, que tout ce qui est naturel est dangereux. Moi ça ne colle pas à mon état d’esprit, à ma philosophie. Je trouve cela trop violent pour nos enfants qu’on a pourtant créé avec tant d’amour.

Non le cododo n’est pas dangereux. On a toujours peur de l’écraser mais en tant que mère on a les hormones en alerte. On dort d’un seul œil finalement. Mon mari n’a jamais écrasé nos enfants. JAMAIS. Et pourtant ils ont dormi entre nous deux. Je pense que les pères ont aussi cette capacité à dormir d’un seul œil ou à avoir un inconscient qui travaille pour eux. L’instinct paternel. Maintenant, je pense sincèrement qu’on peut vite sentir qu’on subit le cododo à partir du moment où l’un des parents ne dort pas bien (à cause de peurs liés à l’écrasement par exemple, à cause d’un manque de place, …). Lorsque j’ai dormi avec Keyo, nous avions un lit de largeur 140 cm. C’était vraiment trop trop petit. Déjà à deux c’était limite mais alors à trois, n’en parlons pas. Combien de fois me suis-je réveillée avec le bras endolori, avec la sensation que j’allais tombée du lit, … En plus, Keyo se réveillait énormément. Les 3 premiers mois, c’était toutes les heures. J’étais épuisée.

Trouver des solutions pour ne pas subir le cododo

Nous avons mis un peu de temps pour trouver nos solutions mais elles ont beaucoup amélioré le sommeil de chacun. Pour Oléia ensuite, c’était encore mieux car nous avions tiré de cette expérience encore d’autres possibilités. Pour commencer, nous avons acheté un lit plus large. C’est juste indispensable d’avoir au minimum un 160cm. Mes épaules lui ont dit merci. De plus, nous nous sommes rendus compte que Keyo était trop couvert pour dormir. Un petit body quand on dort avec ses parents c’est largement suffisant. Vous dormez en tee-shirt ? Un bébé c’est pareil. Exit les pyjamas en velours sous peine d’avoir un bébé assoiffé ! La température de la pièce doit être de 18-19°C maximum. En hiver, on éteint les chauffages et on préfère plutôt une grosse couette avec une couverture en laine si besoin par-dessus. Si je n’avais pas froid, il n’y avait aucune raison que Keyo ait froid. Par ailleurs, une solution qui a fonctionné pour nous au niveau de l’allaitement, à ses deux mois et demi à peu près, alors que je lui donnais un sein puis l’autre. Je lui ai finalement donné un tétée complète ce qui a permis de rallonger la durée entre deux repas. La nuit, j’ai enfin pu dormir 3h d’affilée, c’était magique ! Les mois sont passés et Keyo dormait de mieux en mieux. On est aussi allé voir un ostéopathe à ses 8 mois et ce fut assez radical. Il dormait bien et a accepté son lit sans problèmes particuliers. Depuis cet âge, Keyo dort dans son lit. Avoir cododoté n’a pas créé de soucis pour qu’il finisse par apprécier de dormir seul. Au cours des années qui ont suivi, il a eu, quelques fois, besoin de dormir avec nous pendant quelques jours. Nous n’avons jamais refusé et au bout de 2-3 nuits, il retournait dans son lit. C’était parfois l’heure du coucher qui pouvait prendre du temps, surtout à certaines périodes, il avait du mal à trouver le sommeil. Nous devions donc lire beaucoup d’histoires, chanter des chansons, rester près de lui. Derrière sa façade d’enfant très sociable, drôle et plein d’énergie, Keyo est aussi plein d’angoisses et d’une grande sensibilité. J’ai appris à le connaître, on ne me l’a pas livré avec un mode d’emploi.

Enceinte d’Oléia, il était assez évident qu’elle dormirait avec nous. Nous avions déjà notre grand lit et un petit berceau spécial cododo nous a été offert ce qui a permis de parer à ma crainte du bébé qui tombe du lit. Mais on peut aussi coller le lit contre un mur ou enlever les pieds du lit pour être plus proche du sol ou carrément mettre le matelas par terre (la solution fut on + tatamis est top). Il existe aussi des petites barrières qui se glisse sous le matelas et font rempart… Encore une fois, des solutions existent.

Un cododo à réinventer à chaque bébé

La naissance d’Oléia à la maison fut beaucoup plus douce, les nuits plus sympas. Mais au bout de quelques mois, il s’est révélé qu’elle avait beaucoup besoin de contact et elle a commencé à se réveiller de nombreuses fois la nuit. Les deux premières années (3 ? 4? ^^) d’un bébé peuvent être vraiment épuisantes entre les coliques, les dents qui poussent, les terreurs nocturnes et divers problèmes propres à chaque enfant, tous les parents vivent des périodes de fatigue extrême. Quand elle a eu un an, nous avons installé son petit matelas par terre avec son frère et ça a été une solution passagère. Oui elle s’endormait ailleurs qu’avec nous mais la nuit elle continuait à se réveiller et à nous rejoindre. Finalement un peu après ses 18 mois elle a commencé à faire des nuits complètes mais seulement lorsqu’elle dormait avec nous. Pendant plusieurs mois, on a continué à la coucher dans son lit sachant qu’elle se réveillerait autour de 3h du matin. Puis quand je suis tombée enceinte, il y a eu un moment où j’ai dormi avec les enfants. Je leur lisais l’histoire du soir et tombais littéralement de fatigue. Cela a duré quelques semaines je crois, c’était juste incontrôlable. La fatigue du premier trimestre couplée à la fin de l’automne = combo soporifique parfait.

Fatiguée par ma grossesse, je n’ai plus eu envie de lutter pour qu’Oléia s’habitue à son lit et c’était tout simplement hors de question de continuer à me réveiller la nuit alors que je savais que je pouvais dormir sans interruption si Oléia dormait avec nous. Dans la journée, c’est une enfant dégourdie, très autonome, elle va se coucher toute seule pour faire une sieste. Mais le soir, elle a besoin de contacts, elle a besoin de poser sa main sur nous la nuit et si nous ne sommes pas là, elle se réveille. C’est ainsi et je pense que la sécurité affective qu’on lui apporte lui permet d’être ce qu’elle est et de grandir épanouie. Il arrivera un jour où elle aura besoin de son espace ou alors nous arriverons aux limites du cododo et trouverons de nouvelles solutions. Pour l’instant, nous nous sommes organisés pour que personne dans cette maison ne soit gêné dans son sommeil.

Couple : être sur la même longueur d’onde

Comme Oléia a deux ans et qu’elle prend davantage de place, il y a eu quelques nuits où le papa a dormi sur le canapé car il était gêné par la présence d’Oléia. Cela est simplement le signal qu’il faut trouver une solution. Nous avons alors réajusté avec un matelas au sol près de notre lit. Pour nous, il n’y a pas de grands principes sur le lit conjugal. Notre intimité ne se limite pas à cette chambre. Nous avons, au fur et à mesure, trouvé nos solutions pour pallier aux problèmes rencontrés et à ce jour nous sommes confiants et sur la même longueur d’onde concernant le cododo. Lorsqu’il y a eu des soucis, que j’étais trop fatiguée, j’ai parfois laissé Dov trouvé des solutions même si laisser pleurer un bébé ne me convenait pas, je lui ai aussi laissé la place pour tester d’autres solutions tout en dialoguant beaucoup. Je ne me considère pas comme la figure unique de mes enfants, je pense sincèrement que les papas ont un grand rôle à jouer et qu’ils ont leur mot à dire, leur place à prendre, leur ras-le-bol à vivre. Je ne me suis jamais sentie aussi éloignée de lui que lorsque j’ai fais les choses à ma sauce. J’ai besoin que nous soyons en accord sur notre façon de considérer l’éducation, qu’on s’équilibre. Heureusement, nous ne sommes pas éloignés à la base, il est très conciliant et lui aussi a beaucoup de mal avec le fait de laisser pleurer un bébé. Les fois où l’on a essayé c’est limite si on allait pas se mettre à pleurer nous aussi. Alors on essaye de s’entraider, de percevoir nos limites et laisser l’autre gérer quand nous n’y arrivons plus. Ce n’est pas toujours simple, parfois nous ne sommes pas d’accord mais on arrive toujours à faire un pas vers l’autre pour nous comprendre. Nous sommes une équipe, c’est notre plus grande force.

Et vous cododo or not cododo ?