J’ai découvert Naomi Aldort à travers le film « Être et devenir » de Clara Bellar et je me suis empressée d’acheter son livre. Indisponible en français, je me suis lancée dans une lecture en version originale et figurez-vous que j’ai (à quelques mots près) tout compris ! Comme quoi, mon niveau d’anglais a beaucoup progressé…

Je crois que c’est la lecture qui m’a le plus marqué parmi toutes celles que j’ai pu faire. Son livre déborde d’amour, d’authenticité, de bienveillance. Au-delà même de ce qu’on peut imaginer, chaque mot, chaque phrase a résonné en moi avec beaucoup d’intensité. J’ai trouvé qu’elle était dans l’exactitude la plus pure possible. La lecture de livres sur l’éducation me donne toujours un sentiment de culpabilité mais vous n’en trouverez pas dans son livre. Elle ne juge pas, elle encourage. Chacun fait avec ce qu’il est, avec ce qu’il a, en donnant à chaque instant le meilleur de soi.

Sa manière d’aborder les problèmes dans la relation parent-enfant est très positiviste. En fait, elle pousse à modifier sa façon de considérer l’enfant et transformer le « negator » qui est en soi en « validator ». Je parle d’éducation authentique car elle utilise souvent ce terme pour parler de l’être humain. Cela va plus loin que l’éducation bienveillante, selon moi, car cela consiste à se reconnecter avec soi-même pour se connecter aux autres. Être vrai, montrer son vrai visage, non pas celui de l’adulte que nous sommes devenus avec nos travers accumulés, mais le vrai nous, le visage de notre enfant intérieur, pure, sensible, connecté. En fait, cela me fait penser à « Peter Pan », vous savez le livre dans lequel l’adulte est un pirate qui veut tuer l’enfant…

« The parents are not guilty but innocent in doing their best. »

Être authentique c’est sortir de cette relation d’autorité, de celui qui commande, juge, sait mieux que l’autre, contrôle. Être authentique c’est admettre ses erreurs par exemple, être honnête avec soi-même, reconnaître qui je suis et montrer ce vrai nous à nos enfants. Souvent, voire toujours, nos réactions ne sont pas authentiques avec eux car elles représentent des peurs liées à leur développement ou à notre image de parent. Nous obéissons à la vieille voix dans notre tête même si elle n’est pas en harmonie avec ce que nous souhaitons être et qui nous sommes vraiment.

A chaque fois que l’on sermonne, juge, critique, crie sur nos enfants, nous répétons un comportement que nous avons nous-même subit enfant. Voilà pourquoi, il est si important de travailler sur soi en écrivant ses craintes et en réfléchissant à pourquoi on adopte cette attitude. De quoi j’ai peur si je fais ça ou laisse faire ça ? Est-ce vraiment moi qui parle ou l’image que j’aimerais donner ? Pourquoi je dis ces mots ?

« Practice does not make perfect, practice does make permanent. »

Si, en tant que parent, nous n’agissons pas comme on le voudrait, il faut se pardonner, être patient et en même temps arrêter de courir après ces vieilles idées. Nous devons devenir sensible à l’autre, enlever tous nos masques pour faire preuve d’empathie.

Lorsque nous avons pris la décision de faire mieux, de changer notre comportement avec nos enfants, nous pouvons tout à fait les inclure dans ce processus. « J’ai pris l’habitude de te parler comme ça depuis des années mais j’apprends à prendre de nouvelles habitudes. » Une barrière importante entre nos enfants et nous est de penser que nous savons mieux ce qui est bon pour eux alors qu’on doit faire confiance à leurs sentiments et leurs émotions.

« A child’s actions are not bad or good ; they are simply expressions of emotionnal and physical needs. »

Dans notre société, l’image véhiculée de l’enfant est assez négative. Il n’écoute pas, fait trop de bruit, est têtu, est capricieux, irrespectueux, menteur, … on passe beaucoup de temps à pointer les problèmes de nos enfants alors que finalement c’est notre vision de l’enfant qui est un problème. Nous nous comportons avec l’enfant comme nous n’oserions pas nous comporter avec un adulte. Il y a donc cette relation autoritaire qui produit en retour un comportement de l’enfant en miroir du nôtre : s’il résiste c’est qu’on doit résister, s’il ne coopère pas, il faut se demander si l’on coopère avec lui. Nous avons besoin de redéfinir, notre relation à l’enfant et avoir une haute considération de lui. Comme Naomi Aldort le dit bien dans son livre : « Treat your child with reverence and you need no parentig manuals. »

Le comportement d’un enfant n’est ni bon ni mauvais, il exprime seulement des besoins physiques (comme le sommeil, la faim, le froid…) ou des émotions (colère, tristesse, …). Quand l’enfant provoque notre agacement, notre colère ou notre peine, nous sommes tentés d’éliminer son comportement. Mais ça ne marche pas et même si on y arrive (grâce aux cris, à la peur) un autre comportement viendra le remplacer et représentera l’expression du même besoin. Alors au lieu de vouloir stopper le comportement, il faut aller à la source. Naomi Aldort liste 5 émotions de base qui dirigent le comportement des enfants :

  • l’amour
  • le besoin d’expression
  • l’autonomie et le pouvoir
  • le besoin de sécurité
  • l’estime de soi

Quand un besoin n’est pas satisfait, l’enfant reste auto-centré. Il est en colère parce-qu’il n’a pas réussi à se connecter à nous pour exprimer ses besoins. Ce n’est pas une raison pour se sentir coupable ou inadéquat car malgré nos meilleures attentions, ce n’est pas toujours simple de comprendre le besoin exprimé. Mais lorsque son besoin a été pris en compte, l’enfant est heureux et la vie ne tourne pas qu’autour de lui. Quand l’enfant se sent en sécurité et aimé, il arrête de chercher l’attention par tous les moyens. Il faut lui faire confiance, accepter l’expression de ses besoins à sa manière et être préparé à lui dire OUI plus que NON. L’amour est le plus important. Un téléphone se pose, une table se débarrasse plus tard, un objet se répare.

« Love is a context that colors everything. »

Dans une situation de conflit, ce que nous pouvons faire de mieux est valider l’émotion (tu voulais ça ? Et tu es en colère/triste parce-que tu ne peux pas ? Je comprends, je suis là, tu peux pleurer/crier autant que tu en as besoin). Cela va avoir comme effet de calmer l’enfant et il va passer à autre chose. Si nous ne validons pas, si nous le contredisons, nous ne l’aidons pas à trouver ce qu’il ne va pas. Donner de l’attention a sa colère suffit. Notre job de parent dans chaque situation c’est d’écouter et comprendre jusqu’à ce que la colère arrive naturellement à sa fin.

Nous ne jugeons pas, nous écoutons. L’enfant a besoin de savoir que ça va, qu’il a le droit de ressentir ce qu’il ressent. Si la communication a du mal à se faire, on peut se permettre quelques questions : « Est-ce que je peux te poser une question ? Est-ce que tu veux me dire ce qu’il s’est passé ? »

La présence de nos enfants dans nos vies est naturellement là pour l’enrichir de sens, d’amour, de directions et non pas pour nous donner de l’amour et de la gratitude ou pour suivre nos rêves et aspirations. En tant que parent, nous sommes là pour les soutenir. Beaucoup d’enfants grandissent avec la peur de ne pas être assez bien, de ne pas être aimé par leur parent s’ils ne font pas ce qu’ils veulent. C’est une chose que nous ne voulons pas transmettre à nos enfants. Je n’ai pas envie que mon enfant ait peur de moi, qu’il m’écoute seulement parce-que j’ai crié bien fort ou parce-que je le prive de quelque chose qu’il aime. J’aime nos liens de confiance, qu’il puisse se confier à moi sans avoir peur du jugement ou des reproches, qu’il agisse comme il est, qu’il soit heureux, qu’il ait le goût de vivre. Ses choix et son comportement ne doivent pas affecter mon amour.

« We need leaders. »

Il y a une partie que j’ai beaucoup aimé dans son livre, c’est lorsqu’elle parle de la personnalité des enfants. Avant que nos enfants naissent, nous espérons et attendons beaucoup de choses d’eux : qu’ils soient calmes, qu’ils fassent leur nuit assez vite, qu’ils aiment ce qu’on aime, … Il y a donc nos attentes d’un côté et la réalité de l’autre. En grandissant, les enfants affirment leur personnalité et c’est à nous de les soutenir et de les valoriser. Un enfant qui a « trop » d’énergie est un enfant plein de vie et nous avons besoin de ces enfants car ce sont des leaders, un enfant « gourmand » a le goût des bonnes choses, un enfant « timide » est observateur, …à nous de valoriser ce qu’ils sont pour ne pas les enfermer dans des traits de personnalité rabaissant.

Nous devons être de leur côté quoi qu’il arrive au risque de perdre leur confiance. Un exemple tout bête me vient : au parc, il y a quelques jours, une petite fille se fait piquer son vélo par un autre enfant. Elle se met à pleurer. Sa maman lui crie : » tu n’es pas assez généreuse », « arrête de pleurer sinon tu seras privée de dessin-animé », « c’est qu’un vélo, trouve autre chose à faire ». Vous imaginez bien que ça n’a pas du tout calmé la petite fille qui a pleuré de plus belle. Dans ce cas, il y a deux problèmes : la maman ne soutient pas sa fille et l’humilie dans le parc ; et elle ne reconnait pas sa tristesse de ne plus avoir son vélo alors qu’elle voulait en faire. On pense souvent que réconforter et parler à nos enfants prend du temps mais je trouve que se disputer avec son enfant et faire en sorte de faire taire ses larmes en prend encore plus. Distraire, minimiser, compenser une frustration est une réponse à notre anxiété, pas à celle de l’enfant. Ça ne va pas l’aider à devenir émotionnellement résilient ou être capable de faire face et résoudre ses difficultés.

Pour différencier l’être humain de l’animal, nous valorisons notre capacité à réfléchir mais pas notre capacité émotive : nos larmes, nos rires, l’expression de nos sentiments et de nos pensées avec des mots sont pourtant uniquement possibles par l’homme. Vouloir stopper des émotions, c’est vouloir stopper des expressions, pourtant celles-ci sont indispensables au développement intellectuel et social de chaque individu. En effet, s’exprimer c’est apprendre à reconnaître ses émotions et donc les ressentir, les maitriser, savoir distinguer ses primaires pensées de son moi authentique. Les gens puissants ne sont pas ceux qui n’ont pas de peines mais ceux qui ont la force de traverser leurs peines et arriver sur l’autre rive, enrichit.

 » Nothing you become will disappoint me; I have no preconception that I’d like to see you be or do. I have no desire to foresee you, only to discover you. You cannot disappoint me. » Mary Haskell pour Kahlil Gibran

Je ne sais plus depuis quand j’ai décidé véritablement de m’améliorer. Plusieurs mois, peut-être un an ou un peu plus. Prendre des bonnes habitudes prend du temps. Nous y arrivons petit bout par petit bout. Nous n’en ressentons peut-être pas les effets tout de suite mais progressivement. Répondre aux besoins de l’enfant, faire taire nos petites voix, lui faire savoir que l’on est de son côté, garder son calme, lui faire confiance, le laisser prendre autant que possible des décisions, d’apprendre par lui-même, faire des erreurs et ressentir des choses… Plus l’enfant réussit à générer de l’attention, plus il trouvera des moyens calmes pour communiquer. Souvent, ce que veut l’enfant quand il fait une « colère » n’est pas son véritable besoin. Une colère pour une sucette dans un supermarché est peut-être tout simplement l’expression d’un besoin plus profond : besoin d’attention, d’amour, …

Oui le métier de parent s’apprend. On doit défaire ses peurs, apprendre à connaître son enfant et relativiser. Voici la méthode SALVE, proposée par Noami Aldort dans son livre pour résoudre un conflit avec l’enfant :

  • Separate yourself : Prend du recul sur la situation, sépare tes émotions de celles de ton enfant, sa colère n’est pas ta colère, sa tristesse n’est pas ta tristesse, … et investit tes petites voix (c’est la phase la plus compliquée, si on y arrive, c’est gagné).
  • Attention : une fois qu’on a fait le vide et qu’on est clair avec soi-même, on peut porter son attention à l’enfant
  • Listen : écoute-le s’exprimer sans intervenir
  • Validate : valide ses sentiments
  • Empower : donne-lui les moyens de libérer ses émotions et de résoudre son problème

Parfois, il arrive qu’on soit trop fatigué, énervé pour réussir à prendre les choses avec calme. C’est important dans ces moments-là de ne pas blâmer l’enfant et de parler de soi : « cela n’a rien à voir avec toi, j’ai passé une mauvaise journée au travail et j’ai besoin de crier » ou « mon ami est malade, je suis préoccupée, ce n’est pas contre toi. » Et tout simplement s’excuser. L’enfant est capable de comprendre si on est authentique avec lui. On peut aussi « rembobiner la scène » comme on le ferait avec un DVD : « Oh stop ! On recommence ! » C’est souvent quelques secondes après avoir crié que nous regrettons de nous être mis en colère. Rembobiner est une petite astuce pour dédramatiser une situation. Nous pouvons également nous passer la scène à venir dans la tête ou écrire sur une feuille les premières pensées qui nous viennent ; parfois cela suffit à prendre du recul.

« Respect yourself and others and will be a teacher of respect. »

J’ai essayé de résumer un maximum son livre mais toutes les pages méritent d’être lues. Pour conclure, en 2 phrases :

  • abandonne le besoin de contrôle. Fais en sorte, le plus possible, que l’enfant puisse diriger sa vie tranquillement et en autonomie,
  • quand il est contrarié à propos de choses qui ne peuvent être changées, valide ses sentiments sans vouloir modifier la réalité.

Et je finirai cet article sur ce magnifique poème de Kahlil Gigran que l’on trouve également à la fin du livre de Naomi Aldort :

« Vos enfants ne sont pas vos enfants.
Ce sont les fils et les filles du désir de Vie.
Ils arrivent à travers vous mais non de vous.
Et quoiqu’ils soient avec vous, ils ne vous appartiennent pas.
Vous pouvez leur donner votre amour mais non vos pensées,
car ils ont leurs pensées propres.
Vous pouvez abriter leurs corps mais non leurs âmes,
car leurs âmes habitent la demeure de demain
que vous ne pouvez visiter même dans vos rêves.
Vous pouvez tenter d’être comme eux,
mais n’essayez pas de les rendre comme vous.
Car la vie ne s’en retourne pas en arrière
ni ne s’attarde avec hier.
Vous êtes les arcs qui projettent vos enfants
comme des flèches vivantes.
L’Archer voit le but sur le sentier de l’infini
et Il vous tend de toute son énergie
pour que ses flèches puissent aller vite et loin.
Que cette force bandée par la main de l’Archer soit joyeuse;
Car, s’il aime la flèche qui vole, Il aime aussi l’arc qui est stable. »

Kahlil Gibran

Extrait de « Le Prophète »

Naomi Aldort : Raising our children, raising ourselves.

En français, il est super cher alors qu’en anglais, on le trouve pour quelques euros…

Enregistrer

Enregistrer

Enregistrer

Enregistrer

Enregistrer

Enregistrer