IMG_6289

C’est ma première année en unschooling. Depuis que nous avons sauté le pas de l’instruction en famille, beaucoup de questions nous ont été posées sur notre façon de vivre : est-ce que je donne des cours ? Keyo a-t-il des copains ? Quand va-t-il retourner à l’école ? Comment nous organisons-nous ? Est-ce que ce n’est pas trop dur d’être tout le temps avec ses enfants ? Et ma carrière ? Etc.

Entre toutes les options possibles que permettent l’instruction en famille, j’ai trouvé pleinement confiance dans les apprentissages autonomes. J’en ai déjà un peu parlé sur le blog mais, pour résumer, cela consiste à respecter complètement le rythme de l’enfant, lui faire confiance, répondre à ses questions et ses intérêts, partager ma vie avec lui et lui permettre d’évoluer dans le vaste monde, comme dirait André Stern. J’ai beaucoup lu sur l’éducation : pédagogies Montessori, avancées en neurosciences, unschooling, communication positive… et je conseille fortement à quiconque devient parent un jour de lire toutes les personnes (liste non-exhaustive à la fin de l’article en lien) qui ont travaillé pour permettre de mieux nous comprendre, nous les humains, dès l’enfance. Et de surcroit, s’enrichir de toutes ces pensées pour forger la sienne.

A partir de là, je crois que nous prenons des chemins plus ou moins différents. Pour ma part, j’ai eu très envie de répondre au besoin de liberté de mes enfants. Attention, comme A.S Neil, j’ai dis liberté, pas pleine licence. Je ne me sens pas esclave de mes enfants sinon je ne pourrais pas faire ce choix. Il faut vraiment réussir à trouver une organisation qui convienne à tous : je ne suis pas au service de mes enfants à toute heure, j’ai également mes activités personnelles et elles sont aussi importantes que les-leur. On fait au mieux selon le caractère et l’âge de nos enfants. Avec ma fille qui vient d’avoir 15 mois, ça n’a pas toujours été simple car un bébé, comme chacun sait, demande du temps et beaucoup d’énergie. En fonction de ses heures de sieste, je proposais à Keyo de choisir une activité calme pendant laquelle il n’avait pas besoin de moi.

Préférer les apprentissages autonomes m’a paru être aussi une solution équilibrée car je n’aime pas donner des leçons. Déjà, mon fils n’est pas du genre à rester assis sur une chaise très longtemps et il a assez d’idées d’activités pour que je vienne lui en imposer. J’aurais plutôt l’impression de nager à contre-courant. Chose que font tous les jours les professeurs avec leurs élèves, ce qui est absolument crevant. Alors non, ici, pas d’exercices, pas d’heures de lecture, pas de lignes d’écriture, pas de coloriages ou d’activités d’art plastique avec des ronds ou des carrés.

Nos journées se résument à nous lever lorsque nous avons assez dormi, jouer pour eux, ranger un peu pour moi, prendre un petit-déjeuner consistant, sortir en ville, au musée, en forêt, voir des amis… prendre un goûter amélioré là-bas ou au retour à la maison, faire une sieste pour Oléia et une activité calme pour Keyo (jeux tranquilles, documentaire, livres, histoires à la radio…), sortir au parc si l’envie est là pour retrouver les enfants sortis de l’école, rentrer se doucher, diner et prendre un moment pour raconter des histoires et chanter des berceuses avant le coucher : selon l’état de fatigue de tout le monde cela ne peut être qu’un seul livre, comme plusieurs, additionnés de narrations. Par exemple, en ce moment, nous lisons “Le feuilleton d’Hermès : la mythologie grecque en cent épisodes” et “Le Petit Prince”. Nos essentiels reposent sur des temps en extérieur qui conviennent à tout le monde, du calme et des activités individuelles à la maison et un rituel lecture important le soir. En bref, nos journées ressemblent à des week-ends ou des vacances. Et comme on le dit si bien, c’est toujours à ces moments-là qu’on grandit le plus. Parce-qu’être libre, ça fait un bien fou sur l’échelle du bonheur. Et quand on a des ailes qui poussent, la confiance, la passion, l’envie d’apprendre et de découvrir apparaissent naturellement.

Avant de déscolariser Keyo, j’étais dans une démarche de reprise d’étude pour passer le concours de Professeur des écoles. Aujourd’hui, je dois dire que j’ai complètement abandonné l’idée car l’école ne correspond plus à ma vision de la vie. Malheureusement, je n’en vois que trop ses défauts pour pouvoir y travailler un jour. Les écoles alternatives, c’est pareil. Elles ont une pression académique qui les oblige à orienter leurs apprentissages vers la lecture, l’écriture et le calcul avant tout. Je ne me sens appartenir à aucun courant pédagogique précis. Je m’en inspire mais ne m’y enferme pas. Pour bien me comprendre :

  • je ne mets pas de hiérarchie dans les apprentissages. Sur ce point, je ne suis pas d’accord avec mon mari, mais pour moi faire de la cuisine ou jouer avec des legos ne sont pas des activités moins importantes que compter ou apprendre les syllabes.
  • je n’ai pas sorti mon fils de l’école par peur de l’échec scolaire.

L’arrivée d’Oléia avait déjà commencé à chambouler nos vies. C’est même souvent avec la naissance d’un enfant qu’on se remet en question. Ajoutez à ça le déménagement, c’était carrément un nouveau départ. Alors vu que c’est moi qui suis avec les enfants la plupart du temps, ce sont mes choix professionnels qui ont été remis en question. Je n’avais absolument pas envie de retourner travailler dans un bureau. Cela peut paraître extrêmement bizarre aux mamans qui s’ennuient avec leurs enfants et qui n’ont qu’une hâte : reprendre leur “vie active” (j’étais comme ça à la naissance de mon premier donc je comprends parfaitement). Mais j’apprécie vraiment la compagnie de mes enfants, notre liberté, le fait de partager des moments ensemble, les voir grandir, sortir de notre coquille pour créer du lien social avec nos voisins ou les familles pratiquant l’IEF aussi, me sortir un peu de ce système “trime toute ta vie pour avoir la chance, un jour peut-être, de profiter d’une retraite”, voyager en dehors des périodes d’affluence, me lancer enfin dans des projets personnels dont je rêve depuis longtemps et surtout : prendre le temps ! Je ne me presse plus et c’est tellement moins fatiguant comme ça.

Ma carrière dans un bureau s’est donc envolée à mon plus grand bonheur ! L’aspect financier provoque des interrogations car dans beaucoup de cas, la maman arrête complètement de travailler et donc la famille vit sur un salaire. Et n’allez pas croire que le salaire du papa est sensationnel. Ce sont seulement des personnes qui repensent toutes leurs dépenses. Pour ma part, je ne me vois pas être sans revenu. Je ne suis peut-être pas prête à tout remettre à plat et j’aime mon indépendance financière, ou en tout cas le fait d’avoir une activité propre en plus de celle de m’occuper de mes enfants. Cette année a été une parenthèse durant laquelle j’ai repris une année d’études à distance et où j’ai réfléchis à ma reconversion. Sans rentrer dans les détails de ma vie perso, il existe des métiers qui permettent de concilier la non-scolarisation en travaillant de chez soi, ou à mi-temps quelque part. Ce sont peut-être plus des métiers primaires, manuels, créatifs. Pour ma part, je me lance dans une petite activité de mobiles de décoration et j’ai déposé un dossier pour devenir Assistante Maternelle.

Avec mon mari, nous partageons une vision à peu près égale, même s’il ressent plus de pression que moi pour l’apprentissage de la lecture, de l’écriture et du calcul. Je pense que c’est très important d’être d’accord sur ce choix de vie car on a souvent besoin de l’autre pour parler de nos petites boules dans le ventre. J’ai la chance de partager ma vie avec quelqu’un qui me fait presque aveuglément confiance. Quand j’ai dis “je veux accoucher à la maison”, il m’a dit ok ! Quand j’ai dis “je veux déscolariser Keyo”, il m’a dit ok ! Quand j’ai dis “on peut lui faire confiance, il va apprendre naturellement”, il m’a dit ok en faisant la moue… ^^ Sans rire, je sais que ma position est assez radicale et s’il n’y avait pas la pression de l’éducation nationale sur notre dos dès l’année prochaine, je ne me poserai pas autant de questions. J’aimerais que mon pays respecte plus les choix pédagogiques des parents et arrête de nous traiter comme des bébés. Mais nous vivons en France et, ici, les enfants instruits en famille ont une obligation de résultat plus importante que ceux allant à l’école. Car s’ils sont jugés en retard, ils peuvent être obligés de retourner à l’école (où là ils pourront être en retard également mais ça ne posera pas de problèmes aux inspecteurs). Enfin, ce n’est pas le sujet de l’article mais les choses bougent en notre défaveur, nous devons vraiment nous tenir prêt à défendre notre droit à l’éducation de nos enfants.

C’est donc ma première année en unschooling. Nous sommes encore tout frais : nos réflexions, notre organisation, notre rapport à l’éducation nationale… J’ai lu des livres, j’ai parlé avec beaucoup de mamans non-sco, mais je ne sais pas encore comment vont se passer les prochaines années pour mes enfants. Je pense démarrer un carnet de bord à la rentrée pour y consigner, avec Keyo s’il le veut bien, nos découvertes, les questions qu’il se pose et les réponses trouvées, les expériences tentées, les visites et les rencontres, les dessins, photos et tout ce qu’on pourra mettre dedans. Cela sera un support d’écriture possible, en tout cas ce carnet permettra de conserver des souvenirs et sera aussi un outil pour communiquer avec l’inspecteur. Je me demande souvent si l’on finira par installer des moments d’apprentissage plus formels ou si l’on restera dans le unschooling qui nous convient tant aujourd’hui. Nous nous adapterons encore sûrement à nos enfants, à la confiance qu’ils nous auront donné et à ce que nous aurons pu observer d’eux. L’enfant est en demande d’apprentissage tous les jours. Tiens encore aujourd’hui, Keyo me demande d’où vient le nom des mots et des chiffres ! Je m’en vais demander à mon ami Google et n’hésitez pas à commenter, questionner, débattre ci-dessous 😉