Je ne saurais dire exactement à quel moment c’est devenu limpide, quand est-ce que ce choix m’est apparu comme évident. Je crois que le film “Être et Devenir” de Clara Bellar a bousculé beaucoup de choses en moi et a résolu une sorte de puzzle interne. Ce qui est sûr c’est qu’il m’a beaucoup parlé. Je devais être déjà prête, à ce moment-là, à bousculer un peu les règles, la norme établie, sortir du schéma classique, me poser des questions sous de nouveaux angles, voir notre monde différemment.

De nombreuses lectures et d’autres documentaires ont accompagné notre changement de cap. Keyo est, en effet, allé à l’école maternelle en PS et MS. Puis la naissance d’Oléia, le déménagement, cette nouvelle vie, tout ça remue beaucoup de choses. On n’a plus vraiment de repères si ce n’est notre pilier familial, il faut alors tout reconstruire. C’est notre troisième déménagement, alors je dirais qu’on commence à s’y faire, à être plus avenant, plus curieux et sociable. Cela a été plus facile de se recréer un réseau social (réel !) ici, car on était plus ouvert aux rencontres.

Si j’avais senti que pour Keyo, qui quittait de très bons copains, ce déménagement était difficile ; pendant les vacances d’été, l’idée de ne pas l’inscrire à l’école m’avait vraiment traversé l’esprit. Les premières semaines de septembre n’ont pas été aussi simples que ça et l’entrain de Keyo s’est vite essoufflé. Alors, en un jour, j’ai pris la décision, j’ai dis à son papa, avec qui on avait déjà entrevu cette possibilité, qu’on arrêtait l’école cette année. Un peu de peur au début, l’inconnu sûrement, l’étrangeté du choix aussi.

Et nous voilà parti pour une phase de “descolarisation” qui va durer 3-4 mois, jusqu’aux vacances de Noël. C’est une phase un peu spéciale dans laquelle on essaye de reconstruire un rythme sans le cadre de l’école : activités, organisation, règles, limites, horaires… C’est assez éprouvant pour l’enfant comme pour les parents, enfin surtout moi qui était toute la journée avec lui. L’enfant se sent pris dans une nouvelle liberté ce qui peut amener un peu de désordre dans la maison (je ne parle pas du désordre matériel, bien qu’il existe ^^). Nous-mêmes en tant que parents, on se positionne. J’ai mis un peu de temps pour me laisser la liberté de souffler certains jours (traduire par : ne pas culpabiliser si on ne sortait pas), d’être très à l’écoute et attentive à ses envies et besoins, connaître les bonnes sorties et bons plans de la Ville et des environs, m’organiser pour tout ce qui incombe à la gestion du foyer…

Et le regard des autres ? Il y a comme une pression sociale qui  s’exerce sur notre choix : “mais il n’a plus de copain”, “il ne va pas être socialisé”, “il ne se replie pas sur lui-même ?”, … qui nous a beaucoup stressée au début. Je me suis beaucoup sentie “obligée” de justifier le fait qu’on fasse beaucoup d’activités, qu’on sortait au parc, que Keyo avait des amis, qu’il avait une activité sportive dans la semaine… jusqu’au jour où j’ai dis stop. Je ne me permettrais pas, moi, de demander à mes voisins s’ils font des activités avec leurs enfants. L’école n’est pas toujours synonyme de réussite et d’amitié, et encore moins de bonheur. Ne pas inscrire son enfant à l’école reste quand même dans l’imaginaire collectif, synonyme de l’école à la maison. J’ai donc beaucoup expliqué le principe de l’unschooling mais c’est compliqué à comprendre pour la plupart des gens.

Pour nous l’unschooling, c’est la vie. C’est la liberté d’apprendre à notre rythme. L’accès au savoir n’a jamais été autant démocratisé ! Franchement, certains élèves en savent plus que leurs professeurs sur certains sujets. Bibliothèque, internet, télévision, musées, … le savoir est partout. Les lettres sont partout, les chiffres sont partout, le monde est à la portée de tous, les rencontres sont plus nombreuses, plus diversifiées, plus enrichissantes. Il n’y a plus de hiérarchie de métiers, de peur de l’échec, de relations forcées, d’horaires stricts et de vacances imposées. Moi-même, je crois que je n’ai jamais autant appris profondément des choses depuis que j’ai arrêté l’école. J’ai soif de connaissance sur plein de sujets, j’ai le temps de m’y consacrer pendant des semaines si je le veux jusqu’à une maitrise parfaite. Je n’ai pas d’ambitions pour mes enfants, je leur souhaite seulement le bonheur et qu’ils s’épanouissent dans toutes les activités qu’ils voudront entreprendre, qu’elles soient intellectuelles ou manuelles. Il n’y a pas de primauté sur l’une ou l’autre pour moi, contrairement à la société dans laquelle on vit qui met les métiers intellectuels sur un piédestal.

En fait, depuis que nous sommes sortis de ce système, j’ai compris beaucoup de choses dont celle-ci : l’école, comme elle existe, n’est pas adaptée à tout le monde. Et elle fera croire à tous ceux qui auront des mauvaises notes, qu’ils ne sont pas intelligents. Elle fera croire à ceux qui choisissent une filière plus manuelle comme les CAP, que c’est parce-qu’ils ont raté l’école qu’ils se retrouvent là où ils sont, que c’était leur faute, qu’ils n’étaient pas assez intelligents, que les métiers manuels sont, en quelque sorte, des sous-métiers. Elle pousse des gens (des enfants !) à se dévaloriser.

Ne pas aller à l’école c’est aussi une manière de refuser ce système qui voudra mettre dans une case mes enfants, qui leur fera croire qu’ils sont plus ou moins intelligents qu’un autre, qu’ils se reposent trop sur leur laurier ou qu’ils ne se tiennent pas assez immobiles sur leur chaise, qu’ils n’écoutent pas assez le professeur et qu’ils ne donnent pas LA bonne réponse. Un système qui pousse à la compétition, qui n’accepte pas la différence, la curiosité et la créativité.

Contrairement à ce qu’il paraît, je ne suis pas contre le principe de l’école, même si plus ça va, plus je me demande vraiment qu’elle est sa véritable utilité. Je trouve simplement qu’il serait important de considérer d’autres alternatives à ce schéma traditionnel, que beaucoup pensent obligatoires. Les enfants ne sont qu’amour et bienveillance et si en grandissant ils changent, c’est de notre faute à nous les adultes. Beaucoup de diagnostics viennent en fait d’une grande souffrance scolaire et d’un stress très important. Certains pensent que les difficultés rencontrées à l’école permettent de les affronter dans la vie, mais je ne suis pas d’accord, pour moi cela ne fait qu’engendrer des personnes qui poseront des difficultés à d’autres, ce qui n’est pas un chemin menant vers la paix.

En effet, et c’est tout ce que j’apprécie dans les écrits de Maria Montessori et d’autres : l’importance de l’amour dans l’éducation portée à l’enfant pour vivre en paix. Aujourd’hui, c’est de cette manière que nous nous sentons le plus en paix avec nous-même et le reste du monde, c’est de cette manière que la vie me semble la plus belle, cette ainsi que nous en profitons le plus, que cela me parait le plus naturel et que nous sommes le plus heureux. Et c’est bien ce qui compte.

Si le sujet vous intéresse, voici quelques sources d’informations :

La photo, rien à voir avec le sujet, bien que… l’unschooling c’est comme un bon gâteau au chocolat qui ne finit jamais 🙂