Bonjour, 

Me revoilà avec mes réflexions suite à la lecture des livres de Charlotte Mason dans le cadre de l’Idyll Challenge de Charlotte Mason Poetry. J’ai loupé les deux derniers mois sur le blog bien qu’ils aient amené des réflexions riches. Je n’ai tout simplement pas trouvé le temps pour venir déposer un billet. Mais ce n’est que partie remise !

Ce mois-ci c’était mon tour d’écrire une publication sur ce challenge de lecture pour le groupe Facebook de Charlotte Mason France. Mais j’ai tellement préparé le post que j’ai fini par en écrire un roman, format point du tout adapté à un post sur Facebook ^^ Je me suis donc limitée à quelques réflexions et puis j’ai transféré les autres sur l’article que vous êtes en train de lire.

Ce mois-ci, nous avons lu les huit premiers chapitres du tome 2, “Parents et Enfants”, le plus court de la série éducative de CM. Par son titre ou sa taille, on aurait tendance à penser qu’il est moins important que les autres car il ne parle pas vraiment de l’application pédagogique, mais il est en fait d’une importance capitale pour comprendre profondément la philosophie éducative de Charlotte Mason.

Le thème principale de ces huit premiers chapitres était la famille et notamment le rôle DES parents. J’insiste sur le “des” car dans le premier volume, Charlotte Mason se focalise beaucoup sur la mère et là j’ai apprécié qu’elle relève les rôles de la mère comme celui du père. En fait, elle dit dans le chapitre 3 du volume 2 que l’éducation “doit être accompli à parts égales par les deux parents.”

Alors il y a deux réflexions que j’aimerais partager avec vous puisque cette famille fait d’abord partie d’un pays, avant d’être elle-même une communauté.

La première : La famille au sein de son pays

Pour Charlotte Mason, il est très important de transmettre l’amour de son pays, les valeurs patriotiques, de service, faire découvrir les grands penseurs et artistes qui sont nés dans notre pays et ont contribué à le rendre plus beau. Pour elle, les parents « ont la responsabilité de leurs enfants pour le bénéfice de la société » et « les enfants sont considérés comme un bien public qu’il faut former au mieux pour le bien de la communauté. »

Oui, mais comment faire quand je me sens en désaccord avec la société dans laquelle je vis ? En fait, p.15, Charlotte Mason parle de la France, notamment de la création des écoles maternelles et de la « dépossession des parents » : « Aujourd’hui encore, une nation voisine [la France donc] a choisi de se charger elle-même de l’éducation de ses enfants en bas âge. Dès qu’ils savent marcher à quatre pattes, ou même plus tôt, bien avant qu’ils ne courent ou ne parlent, ils sont amenés à l’« École Maternelle » et sont soigneusement nourris, comme avec le lait maternel, des vertus propres à un citoyen. Ce projet n’en est encore qu’au stade expérimental, mais il sera sans doute mené à bien, car la nation en question a découvert depuis longtemps – et a agi en conséquence – que vous devez former l‘enfant à ce que vous voulez que l’homme devienne. Une telle dépossession publique des parents est peut-être la pire calamité qui puisse arriver à une nation. »

Mason critiquait déjà les écoles maternelles, mais alors qu’aurait-elle dit si elle avait été encore en vie aujourd’hui ?

Lors du zoom mensuel avec l’équipe de Charlotte Mason Poetry, Sarah, membre de l’équipe de CMF, a demandé : comment encourager l’amour et le respect de la patrie quand ce que tu as de plus précieux, quand ton devoir le plus important – chérir et protéger tes enfants – est attaqué par la patrie en question ? 

C’est une question qui nous concerne tout particulièrement avec ce que nous vivons en ce moment en France, mais également ailleurs car nous avons l’impression que cette liberté d’instruire nos enfants est attaquée de toute part. 

Voici les réflexions d’Art Middlekauff qui anime la réunion mensuelle et celles de l’équipe de CMF qui ont suivie cette question : 

  • Faut-il nourrir le sentiment patriotique ? Imaginez la différence entre les Israélites sous le roi David (qui était un leader soucieux de son peuple) et les chrétiens persécutés sous le règne de Néron. Charlotte Mason n’aurait pas dit aux chrétiens de Rome d’aimer leur empereur.
  • Mais l’empereur n’est pas le pays ; et en l’occurence Macron et son gouvernement n’est pas la France. Ce n’est pas parce que nous sommes en désaccord avec des lois ou des gouvernants que cela nous empêche d’aimer notre pays et de le trouver beau. 
  • Les lois d’un pays ne sont pas toujours les lois naturelles. CM parle beaucoup des lois naturelles dans ses livres et ce sont elles qu’il nous faut suivre. Par ailleurs, les enfants sont là pour servir plus que leur pays, en fait ils sont donnés au monde.

(Cela me donne envie de citer Khalil Gibran : « Vos enfants ne sont pas vos enfants. Ils sont les fils et les filles de l’appel de la Vie à elle-même, Ils viennent à travers vous mais non de vous. Et bien qu’ils soient avec vous, ils ne vous appartiennent pas. Vous pouvez leur donner votre amour mais non point vos pensées, Car ils ont leurs propres pensées. Vous pouvez accueillir leurs corps mais pas leurs âmes, Car leurs âmes habitent la maison de demain, que vous ne pouvez visiter, pas même dans vos rêves. Vous pouvez vous efforcer d’être comme eux, mais ne tentez pas de les faire comme vous. Car la vie ne va pas en arrière, ni ne s’attarde avec hier. Vous êtes les arcs par qui vos enfants, comme des flèches vivantes, sont projetés. L’Archer voit le but sur le chemin de l’infini, et Il vous tend de Sa puissance pour que Ses flèches puissent voler vite et loin. Que votre tension par la main de l’Archer soit pour la joie ; Car de même qu’Il aime la flèche qui vole, Il aime l’arc qui est stable. »)

  • Maintenant, nous faisons du mieux que nous pouvons avec les moyens que nous avons. Nous n’allons pas passer notre temps à être endeuillé par les choses que nous n’avons pas au lieu de nous réjouir de celles que nous avons (quelques heures/jour avec nos enfants, week-ends, etc.).
  • Et l’autre question que nous devons nous poser est : quels sont les leviers en notre possession pour ne pas subir ce que nous ne voulons pas ? Quelle est notre part de responsabilité ? Quelles portes sont ouvertes ? Qui d’entre nous est appelé à remettre le système en question ? A voter ? A influencer les autres ? Dieu/le Cosmos travaille avec nous et nous avons tous un rôle différent à jouer. 

La seconde : Les parents au sein de la famille

Cette réflexion m’amène ensuite, en entonnoir, vers une autre réflexion, puisque Charlotte Mason dit que la famille est une sorte de petit pays à elle toute seule, une petite communauté qui implique que « la famille s’engage à exercer en son sein toutes les fonctions de l’État, avec la délicatesse, la précision et la plénitude des détails propres au travail effectué sur une petite échelle. »

Cela signifie que la famille a son organisation, ses règles, ses devoirs. Et que les parents ont des fonctions propres qu’ils doivent assumer. En fait, les parents occupent différentes fonctions : ils sont des sources d’inspiration et des professeurs ; mais ils sont aussi des souverains, et des souverains absolus précise CM. Mais elle précise aussi qu’ils doivent apprendre l’art de gouverner car, sans cela, ils sont “comme un juge injuste, un prêtre impie, un enseignant ignorant”. Je trouve cette phrase très inspirante et très intéressante car elle éclaire vraiment sur le rôle du parent et surtout sa responsabilité en tant que parent. Il décide, mais il décide juste, vrai, bon, utile. Ceci implique qu’il doit apprendre son métier de parent, ses connaissances ne sont pas innées, elles dépendent de son histoire personnelle, de sa propre éducation, de son chemin de vie, de son caractère propre. Et il y a deux histoires à prendre en compte : celle de la mère et celle du père.

Alors la question que je me suis posée c’est : comment faire quand l’un des parents est démissionnaire de sa fonction ?

Comment faire quand le parent reste volontairement ignorant ? 

En fait, l’éducation des enfants aujourd’hui n’est pas équitablement partagée. On le sait, et peut-être qu’on le vit comme la grande majorité des femmes dans notre monde : la question éducative est la charge mentale des femmes. Je ne vais ni rentrer dans un détail historique et mon post n’a pas non plus vocation à incriminer les pères de nos familles qui font de leur mieux. Ce qui m’interroge, c’est : comment faire quand notre conjoint allume la télé ou joue beaucoup aux jeux vidéos alors qu’on s’est renseigné et que pour le bien de nos enfants, on aimerait qu’il n’y ait pas d’écran ? Comment faire quand on s’est renseigné sur la meilleure façon de bien se nourrir et que chéri rentre régulièrement avec des pizzas et du Nutella ? Comme faire quand on s’est mis à la communication non-violente mais que chéri part au quart de tour et parle mal aux enfants ? Comment faire si chéri rejette l’instruction en famille ou critique nos méthodes éducatives alors que nous nous sommes renseignés et avons réfléchi au mieux à la pédagogie adaptée à nos enfants ?

Bref, en résumé, comment faire quand, en tant que maman, on apprend l’art de gouverner en se documentant, en lisant, en échangeant, et que papa pense que ce n’est pas son affaire ou qu’éduquer se fait uniquement instinctivement ? Comment leur faire comprendre que leur rôle est aussi important que le nôtre et qu’il nécessite de s’y former ?

La plupart des personnes qui lisent mon blog, qui instruisent leurs enfants avec la pédagogie Mason, qui lisent des livres sur l’éducation sont des mères et je crois que l’on peut avoir l’impression, parfois, de fournir beaucoup d’efforts avec peu de résultats car nous sommes seules sur le trône.

En fait, s’occuper des enfants est le travail le plus difficile que l’on est à mener, et d’autant plus en faisant l’instruction en famille. Mais il semble que la société nous ait convaincu que s’occuper de nos enfants est une sorte d’entracte, un temps passager avant la vraie vie, avant qu’il aillent à l’école ou quittent tout simplement la maison afin que l’on retrouve notre vie « tranquille ». Etre bon dans notre école à la maison implique d’être bon dans la vie et cela n’est pas évident du tout, voire carrément impossible, d’être toujours bon.

Cette idée diffusée par la société a eu encore plus d’impact sur les hommes qui pensent (ou sont influencés à penser) que la réussite passe principalement par le Travail ou une vie sociale à l’extérieur. Peu d’hommes s’impliquent dans la vie de famille, beaucoup sous-estiment le travail que font leurs femmes à la maison. Ils sont absents ou épuisés, et beaucoup ne s’intéressent pas à l’éducation. Ils agissent instinctivement et mènent peu de réflexions sur l’éducation de leurs enfants. Ils ne sont plus les ouvriers et les protecteurs de jadis. 

Alors évidemment, cela est une généralité. Je ne mets pas tous les hommes dans le même panier et je ne souhaite pas, par là, incriminer qui que ce soit, créer de la culpabilité ou des disputes dans le couple. Il existe tellement de familles différentes et tellement de situations particulières ; mais en considérant la famille comme une nation, et les parents comme des souverains, cela nous aide à trouver des réponses.

Je vous dépose les mots très précieux d’Art Middlekauff qui a pris le temps de répondre à cette interrogation : 

« La situation la plus extrême est celle d’un conjoint violent. Lorsqu’il y a violence physique, et peut-être aussi lorsqu’il y a violence émotionnelle extrême, je pense que le rôle de la mère est de se protéger et de protéger ses enfants, et de se mettre en sécurité. Tout comme la première responsabilité d’un gouvernement est de protéger la vie et la propriété, la première responsabilité des parents est de protéger leurs enfants. Lorsqu’un parent est devenu un danger pour la famille, il (ou peut-être elle) a renoncé à son rôle. Plutôt que d’endurer les mauvais traitements, la mère et les enfants devraient chercher refuge auprès de la famille élargie, d’une église ou d’un service social qui offre un abri aux familles dans le besoin.

« À l’autre extrémité du spectre se trouve le conjoint qui ignore peut-être tout simplement ses responsabilités. Plutôt que de se précipiter pour juger ou condamner le conjoint qui ne le soutient pas, la femme (ou le mari) peut, avec amour et respect, aider son conjoint à progresser. Ils pourraient essayer de lire ensemble, d’avoir plus de conversations ensemble, ou même de consulter un conseiller conjugal. Avec le temps, une approche aimante, douce et patiente pourrait progressivement changer l’attitude du conjoint.

« Mais il y a aussi une situation intermédiaire : le conjoint qui n’est pas violent, mais qui est totalement opposé au fait de soutenir la culture familiale. Par exemple, le conjoint a résolument décidé de jouer aux jeux vidéo et de manger de la malbouffe. Ou encore, le conjoint est intentionnellement et fermement opposé à l’instruction en famille. Il y a peu d’espoir que le conjoint change d’avis. Mais est-ce une raison pour prendre des mesures drastiques en guise de réponse ?

« Le défi ici est de se rappeler que la culture familiale et le développement du caractère ne concernent pas seulement la bonne littérature, la bonne nourriture et les bonnes habitudes. Il s’agit également des qualités de loyauté, de devoir, de persévérance, de pardon et d’endurance. Si nous ignorons les dures réalités de la vie, nous risquons de créer le « jardin d’enfants » que Mason critique dans L’éducation à la maison – un joli jardin qui cultive de douces vertus, mais isolé et séparé des vrais défis de la vie.

« Dans de nombreux cas, je pense que la mère peut montrer aux enfants comment surmonter l’adversité par la gaieté, comment surmonter l’opposition par la persévérance, comment porter des fruits sur une mauvaise terre, comment aimer l’imperfection, comment pardonner à celui qui n’est pas gentil. Les enfants qui intériorisent ces leçons peuvent devenir des adultes plus forts que les enfants qui n’ont pas été confrontés à ces leçons et qui ont pourtant eu une vie sans écran, avec une alimentation saine et des livres vivants.

« Lorsque nous sommes confrontés à un gouvernement tyrannique et abusif, nous prenons parfois des mesures strictes. C’est ce qu’ont fait mes ancêtres en Amérique – ma famille a pour ancêtres des personnes qui ont combattu lors de la guerre d’indépendance américaine. Mais que faire si nous ne sommes pas révolutionnaires ? Lorsque nous sommes confrontés à un gouvernement injuste, nous nous efforçons de l’améliorer du mieux que nous pouvons, que ce soit en votant, en écrivant des lettres ou en manifestant. En cas d’échec, nous vivons dans l’espoir, en faisant de notre mieux compte tenu des contraintes liées à notre situation. Nous démontrons que l’obscurité ne peut vaincre la lumière. Et lorsque nous brillons au milieu des ombres, nous inspirons nos enfants – et nous réalisons les paroles de Charlotte Mason, selon lesquelles les parents sont des sources d’inspiration. »

Je trouve que nous ne parlons pas assez du couple dans l’instruction en famille. Peut-être parce que c’est un sujet trop intime ; mais pour parler très souvent avec des mamans, je sais à quel point ce papa est important dans les décisions que nous prenons et l’atmosphère de la maison.

J’espère que cette analogie de la famille avec la nation pourra vous accompagner à faire de vous des bâtisseurs complémentaires, des gardiens intentionnels, des ouvriers patients, afin de faire de votre propre petit pays un lieu de joie et de repos qui VOUS convient.

Ce sujet mériterait probablement que je m’y attarde davantage, mais peut-être pourra-t-il être un moyen d’échange sur ce sujet ?

Dites-moi en commentaires ce que vous en pensez !