Me revoilà avec mes réflexions du mois de septembre 2022 pour l’Idyll Challenge de Charlotte Mason Poetry. Si vous avez loupé mon premier article sur le sujet, je vous conseille sa lecture avant de passer à celui-ci pour comprendre.

Ce mois, la partie la plus importante qui nous a été donnée à lire est celle sur les habitudes. C’est un sujet très important dans la pédagogie Mason car cela représente l’un de ses trois piliers éducatifs. En fait, je pense que si nous n’étudions pas le sujet des habitudes, nous passons complètement à côté de cette pédagogie. Le chapitre le plus important de cette partie est celui sur l’habitude de l’attention. Il est tellement important que si nous ne devions en garder qu’un seul, je crois que je choisirais celui-là. 

Nous ne prenons pas toujours la mesure des habitudes et comment elles se forment dès la petite enfance. Je laisse mon bébé monter sur la table parce qu’il est petit et qu’il apprendra plus tard, je laisse mon enfant me couper sans cesse la parole parce qu’il est petit et qu’il apprendra plus tard, je laisse gribouiller sur les murs parce qu’il est petit et qu’il apprendre plus tard, etc. Bref, la liste peut être longue. Et le « danger » est de croire que les choses vont se résoudre toutes seules « plus tard ». Or, Mason nous dit que nous ne devons pas laisser les mauvaises habitudes s’installer et je suis d’accord : « un enfant qui rêvasse prend des habitudes désordonnées ». Si vous avez un enfant qui laisse traîner sa leçon, espérez-vous que, de lui-même, il mette fin à cette habitude ? Si un enfant papillonne d’un jouet à l’autre ou d’une activité à l’autre en permanence, pensez-vous qu’il va apprendre à cultiver l’attention et le soin ? Cela vaut pour tout ce qu’on remet à plus tard, et cela dès la petite enfance, j’insiste !

Alors voilà pour moi le danger dans lequel on peut vite tomber quand on se met à se concentrer sur les habitudes : nous pouvons passer de « l’inactivité magistrale » à une sorte de tyrannie et d’autoritarisme épuisant pour nous et qui, au lieu de rendre la « vie plus facile » comme l’écrit Mason, nous épuise complètement et nous crée une montagne de frustrations car : 

  • nous avons l’impression d’être devenu un gendarme ambulant ;
  • nous ne voyons pas de progrès significatifs ; 
  • nous pouvons même remettre en cause le plaisir de vivre notre maternité/parentalité.

Là où je ne suis pas d’accord avec Mason, c’est que je ne trouve pas que cela est « facile », tout comme je ne trouvais pas le mois dernier que la mère était « inactive ». Je comprends ce qui est sous-jacent à ses propos, mais je ne les trouve pas fidèle à la réalité : non, nous ne sommes pas inactive quand nous laissons notre enfant « ne faire qu’un » avec la nature (c’est un choix que nous avons fait en conscience le plus souvent), tout comme travailler sur les habitudes demande beaucoup de patience et de réflexion.

Je crois que selon nos propres habitudes, certaines sont aussi plus faciles à modifier que d’autres. Par exemple, quand on a un tempérament de feu et que nous avons toujours eu l’habitude de parler fort dans notre famille, cela est beaucoup plus difficile d’apprendre le contrôle de soi et de parler avec douceur, que quelqu’un qui aura été élevé dans une atmosphère où on élève très peu la voix.

Mais alors Mason nous explique qu’il ne faut pas oublier ses deux autres piliers éducatifs : la vie et l’atmosphère. Et là, je dis bingo ! Nous ne sommes pas tous pareils et je crois que c’est important de choisir des habitudes que nous sommes en mesure de former car cela nous correspond. Cela ne signifie pas stagner à une certaine médiocrité ou s’y complaire, mais choisir en premier lieu des habitudes sur lesquelles nous pouvons avoir des petits succès. Et avancer sur une habitude à la fois. C’est très important.

Par ailleurs, c’est important de se faire une liste de ce que l’on aime chez nous avant tout : quelles sont les habitudes de votre foyer que vous appréciez, celles que vous voulez cultiver.

Ensuite, vous passez aux habitudes que vous aimeriez changer et vous en choisissez une sur cette liste. Seulement une. Et quand celle-ci sera bien prise (cela peut prendre plusieurs mois), alors vous passez à la suivante.

Souvent, on me demande comment je fais pour ceci ou cela dans mon école maison, il n’y a pas de secret : j’ai fait confiance à la méthode, je l’ai étudiée (et le fais toujours), j’ai tenu sur la distance, j’ai persévéré, j’ai fait les choses petit à petit, en prenant une habitude après l’autre. Souvent, quand on prépare son planning l’été, on est tout excité, on a hâte que la rentrée arrive, etc. La première semaine se passe bien, peut-être la deuxième puis vient le temps où les difficultés apparaissent (peut-être qu’elles sont apparues dès la première semaine), où la fatigue se fait sentir, où les petites voix dans nos têtes nous disent que ce n’est pas bien ce que l’on fait, que les choses ne se passent pas comme on l’aurait aimé, pire que nos enfants sont ingrats et qu’ils ne prennent pas la mesure de tout ce que l’on fait pour eux ! On a juste envie d’abandonner et c’est là notre challenge : maintenir la barque, avancer, rester déterminée, patiente, lutter contre l’envie de tout changer car ça ne fonctionne pas tout de suite, etc. Il faut prendre le temps d’analyser ce qui ne va pas et l’ajouter à notre liste d’habitudes à changer. Et pensez aussi que les enfants ont besoin de temps pour prendre de nouvelles habitudes…

Une question sur la lecture

Ma question est la suivante : Charlotte Mason parle des devoirs à la maison et dit que les enfants ne devraient pas en avoir avant 14 ans ; mais dans les emplois du temps de la PNEU, il est écrit le samedi « travail de la semaine », du coup je me demande à quoi cela correspond ?

Je n’ai pas encore la réponse mais j’ai imaginé que cela correspondait à un temps pour revoir certaines notions ou pour finir une narration, un dessin sur n’importe quel sujet.

Une chose avec laquelle je ne suis pas d’accord 

Un des chapitres dans la partie des habitudes est l’obéissance. Je suis d’accord avec Mason, l’obéissance est une des habitudes les plus importantes. Et nous avons tendance à avoir peur de ce mot car nous y associons tout de suite « l’obéissance aveugle » ou l’obéissance à une forme de tyrannie. Sommes-nous tyranniques ?

Là où je ne suis pas d’accord avec Mason c’est la façon dont elle présente les choses : non je ne suis pas d’accord avec le fait que l’obéissance serait quelque chose de naturel et de facile. Je trouve, au contraire, que c’est une tâche très difficile, ou en tout cas plus ou moins selon les enfants. A cela, ajoutez les mots de l’éducation bienveillante qui dit qu’il n’y a pas d’enfants difficiles, seulement des parents qui ne savent pas s’y prendre, et vous avez un sentiment d’échec total. Non pas que je n’arrive pas à me faire obéir tout le temps mais je trouve que cet apprentissage ne se fait pas sans heurt, sans excès de colère, sans cri. En tout cas, cela n’est pas mon cas : « l’obéissance prompte, joyeuse, durable » n’est pas arrivée facilement avec tous mes enfants, car même les petites directives peuvent être sources de dispute quand on a des petits rebelles.

Là où cela m’amène c’est sur ce que nous demandons à nos enfants. Je crois qu’il faut savoir doser et demander à l’enfant ce qu’il est capable d’accomplir et non pas le marteler de directives tout au long de la journée. Mais, personnellement, je vois bien la différence avec une de mes filles avec qui cela n’a jamais été très difficile (elle répondait promptement et joyeusement à l’obéissance) et mon autre fille qui s’étend de tout son long par-terre en hurlant que la vie est duuuuuure quand il est l’heure de ranger sa chambre.

Je précise ici que mes enfants savent toujours pourquoi ils doivent accomplir une certaine tâche (afin d’éviter l’obéissance aveugle et la tyrannie des « fais ci et ne fais pas ça »). 

Une chose qui m’inspire 

Je dois dire que tout ce que j’ai lu ce mois-ci était inspirant mais je vais rester sur l’habitude de l’attention car c’est quelque chose que je travaille en permanence chez moi. L’esprit humain est naturellement porté sur les associations d’idées et nous prenons cela pour de l’intelligence. Nos enfants passent d’une chose à l’autre, connectent plein de leurs connaissances et c’est comme cela que la leçon qui devait durer 20 minutes nous a emporté pendant 1h et que le reste de notre planning est fichu. 

J’ai connu cette période, ce sentiment où je trouvais génial tout ce qui pouvait sortir de la tête de mes enfants, et puis cela m’a épuisée, car plus il y a d’enfant, plus il y a d’idées qui fusent dans tous les sens. Je me souviens encore de la première fois que j’ai lu ce passage, il a été salvateur pour moi. J’ai fini par dire « ok, tu me raconteras cela tout à l’heure, pour l’instant nous faisons ça et nous restons concentrés là-dessus. » Je le vois maintenant avec plus de recul : c’était la bonne décision ! Nos leçons sont plus efficaces, ma deuxième se guérit petit à petit de son habitude à la rêverie ou à porter son attention aux autres, mon ainé tient à ce que son travail soit bien fait et ne se laisse pas distraire par son environnement, ce qui doit être fait est fait dans le temps imparti et tout le monde ressent un sentiment de triomphe. Mais cela nous a pris du temps. C’est le travail de toute une vie presque !

Quand on est adulte, on a tendance à se laisser distraire par nos pensées, par les réseaux sociaux, nous perdons le fil, nous oublions, nous nous sentons débordée car « il y a trop de choses à faire et à penser ». Quand on est enfant c’est pareil, nous devons leur apprendre à ne pas se laisser distraire mais à rester centré. C’est ce qu’on appelle l’auto-discipline et qui est tellement utile dans la vie ! Par ailleurs, l’habitude de l’attention permet de faire les choses plus vite ; ce qui nous fait perdre du temps c’est souvent ce temps de réflexion ou cet éparpillement entre les différentes tâches, et plus nous croyons que cela est normal, plus nous ancrons cette habitude dans notre cerveau. Plus nous croyons qu’il faut nous guérir de cela et que c’est possible, plus nous nous disciplinons. En ce sens, j’aime beaucoup l’idée de Mason sur les récompenses naturelles : le fait de finir une leçon plus rapidement que le temps imparti. Je pensais jusque là que c’était trop compliqué de laisser les 5 minutes de gagner et que ça risquait d’éparpiller tout le monde ; mais finalement la dernière fois cela nous a permis de lire un album illustré, et une autre fois de faire une partie de Uno. 

Le dicton « less is more » vaut pour tout finalement !